En route pour la Lune?
Bonjour tout le monde et bienvenue dans ce nouvel épisode de « Interview avec ». Aujourd’hui nous allons discuter avec Marion Burnichon, notre biologiste et vice-commandante. Elle assume également le rôle de Botaniste car Raphaël, comme vous le savez, n’a malheureusement pas pu venir avec nous. Cette interview s’annonce passionnante, mais avant de la commencer, parlons un peu de ce qu’il s’est passé sur Mars pendant ce Sol 8 !
Depuis la mémorable exploration de Candor Chasma samedi, l’équipage était à la recherche d’une nouvelle zone à explorer, d’une nouvelle destination. Julie, l’EVA leader du jour a décidé de partir pour un objectif très ambitieux : Moon Overlook. Clarifions dès maintenant les éventuels malentendus, nous sommes toujours sur Mars mais le sol là-bas est recouvert d’un sable gris lui donnant des airs de sol lunaire ! Comme je l’ai dit, c’est un objectif ambitieux, le Moon Overlook se trouve loin au Nord de la station. Nos valeureux explorateurs s’approchèrent autant que possible de la zone avec Curiosity et Spirit (souvenez-vous, ce sont les noms de deux des rovers que nous utilisons pour nous déplacer), mais après ça ils durent tout de même marcher un long moment avant de finalement atteindre le Moon Overlook. Mais ce qu’ils trouvèrent là-bas valait largement les efforts investis. Ils découvrirent sur place les cinq fameuses lunes martiennes : Yellow Moon, Gray Moon, Beige Moon, White Moon et la meilleure pour la fin : The Moon.
Ils eurent tout juste le temps de prendre quelques magnifiques clichés avant de quitter ce lieu magique et hors du temps et de rentrer au Hab. Malheureusement Marion et moi avons dû rester au Hab afin de pouvoir les secourir dans l’éventualité où ils en auraient besoin. C’était la deuxième fois pour moi mais j’avais du travail à faire pour mon expérience de cartographie par drones et j’en ai également profité pour interviewer Marion. En somme c’était quand même une bonne matinée.
Un paysage lunaire
En parlant de cette expérience de cartographie par drones, j’ai cet après-midi formé mes coéquipiers au logiciel Pix4D pour qu’ils puissent utiliser à leur avantage les cartes 3D de North Ridge pour préparer l’EVA de demain matin. Comme promis précédemment je vous parlerai plus en détail de cette expérience dans un prochain épisode de « Gros plan sur » alors ne ratez pas les prochains rapports !
Cet après-midi, après sa formation, Julie a commencé son projet de faire pousser de la Spiruline, une algue particulièrement intéressante dans le contexte de la nourriture spatiale. Aujourd’hui elle a créé les deux solutions dans lesquelles va pousser la Spiruline. Seulement, l’une d’entre elles contient une dose plus importante de la solution magique confiée par la startup française Toopi-Organics. Cette solution est en fait de l’urine traitée puis stabilisée qui a un effet bénéfique sur le développement des plantes. J’ai hâte de voir les résultats de cette expérience passionnante qui fera l’objet d’un épisode de « Gros plan sur ».
Les premières algues martiennes?
Pendant ce temps, François et Maxime, comme à leur habitude, passent leur temps dans le RAM à imprimer une nouvelle pièce en 3D. Cette pièce est nécessaire pour l’expérience Mega-Ares qui vise à mesurer le champ électrique de l’air à la surface de Mars. Nous devions installer cette expérience en même temps que le LOAC et que la station météo mais il nous manquait une pièce pour assembler le mât avec la base. Au moment où j’écris ces lignes, l’impression est toujours en cours et nous espérons tous qu’elle sera couronnée de succès pour nous permettre de planifier une EVA d’installation de Mega-Ares dans la semaine !
Je pense qu’il est maintenant venu le temps pour moi de vous dévoiler le contenu de l’interview que nous avons réalisé avec Marion ce matin !
“- Aujourd’hui on se retrouve pour une nouvelle interview avec Marion Burnichon. Bonjour Marion, ça va bien ?
- Ça va et toi ?
- Super ! Donc Marion tu es notre biologiste, botaniste et vice commandante et on va discuter un peu de tes rôles, de la mission MDRS et tout ça. T’es prête ?
- Oui !
- Alors déjà pour les gens qui ne te connaissent pas encore, est-ce que tu veux bien te présenter ?
- Oui, donc par le passé, j’ai commencé par faire un bachelor de sciences en Physique à McGill avec de la recherche en astrophysique. Je me suis rendue compte que je préférais peut-être plutôt envoyer des télescopes ou des humains dans l’espace qu’observer les étoiles, même si ça reste quelque chose de magnifique. Donc j’ai décidé de faire mon master en aérospatial à l’ISAE-SUPAERO. J’ai fait un projet de recherche en analyse mission pour une mission Cubesat vers la Lune, ce qui m’a permis de faire un stage chez Airbus en optimisation de trajectoire pour les missions de ravitaillement vers la station spatiale Lunar Gateway. Et je travaille maintenant en dynamique du vol à OneWeb, une constellation de satellites en orbite terrestre basse.
- Ok génial ! Maintenant Marion, j’aimerais bien qu’on discute de tes rôles au sein de l’équipage. Le rôle qui t’a été attribué en premier c’est le rôle de biologiste. Est-ce que tu peux en dire un peu plus ?
- Oui, alors le rôle de biologiste n’est pas un rôle requis par la MDRS, mais reste un rôle intéressant dans le contexte de la mission. La personne assumant ce rôle est assez libre pour sa recherche et dans mon cas j’ai décidé de travailler sur une expérience sur le sommeil, une autre sur la qualité de l’eau, une troisième sur les facteurs humains, TELEOP, et une dernière en collaboration avec Spacemedex sur la physiologie humaine. Pour ma part, avec la dualité du rôle de vice commandante, j’ai un peu plus interprété ce rôle comme Crew Scientist. J’ai donc mes propres expériences mais je passais du temps avec chaque personne de l’équipage pour regarder si les expériences avaient bien un objectif scientifique, s’il y avait une utilité à amener une certaine expérience dans la MDRS, si c’était faisable et ensuite aider à développer les protocoles scientifiques s’ils avaient besoin de moi.
- On reparlera du rôle de vice-commandante dans une minute. Mais d’abord parlons du rôle de botaniste que tu assumes pendant cette mission en l’absence de Raphaël, notre botaniste officiel. Comment ça se passe ?
- Malheureusement, notre botaniste n’a pas pu partir avec nous à cause de problème de visa et vu que, comme expliqué précédemment, mon rôle de biologiste n’est pas obligatoire pour la MDRS, j’ai également pris la casquette de botaniste qui est un rôle obligatoire. Il consiste en gros à s’occuper de la serre. Le matin après le sport, je vais directement à la serre qu’on appelle GreenHab, je regarde la température pour savoir si je dois aérer et j’arrose toutes les plantes une première fois. Plus tôt je peux faire l'arrosage, le mieux c’est, comme ça les plantes ont le temps d’absorber l’eau avant que la température ne monte trop. Pendant la journée, je récolte les légumes ou herbes prêtes pour la cuisine, ça nous fait quelque chose de frais à manger. Généralement, j’arrose encore une fois en fin d’après-midi quand la température est redescendue.
- Je pense que notre botaniste Raphaël serait fier de toi ! Ça fait vraiment plaisir d’avoir quelque chose de frais dans l’assiette ! En plus de ces deux rôles de biologiste et de botaniste, tu es aussi vice commandante de l’équipage. C’est quoi être vice commandante ?
- C’était un rôle important pendant la préparation de la mission étant donné que notre commandant s’est très peu impliqué à ce moment-là. Dans ce rôle, j'ai organisé différents aspects de la mission en essayant de voir les tâches qu’on devait accomplir au fur et à mesure de la préparation et déléguer et/ou accompagner les membres de l’équipage dans les tâches. Avec mon rôle de biologiste, j’étais très impliquée dans beaucoup d’expériences, vu que j’étais trésorière pour le club, j’étais aussi très impliquée dans les appels aux sponsors, gérer le budget… C’était finalement un rôle qui s’est fait naturellement avant que je sois vraiment nommée. J’ai trouvé que c’était un rôle difficile où l’on passe souvent pour la méchante parce que c’est à nous de prendre les décisions difficiles quand le commandant n’est pas là pour le faire. Typiquement quand il a fallu prendre la décision d’annuler la mission l’an dernier à cause du Covid, cette décision est partie de moi et ça a été très compliqué d’en parler/convaincre l’équipage. Il y avait toujours l’interdiction de voyager vers les États Unis depuis l’Europe et la France venait d’instaurer l’interdiction de sortir du territoire. Aller à l’aéroport et voir si on arrivait à passer à la douane mettait en danger presque 1/4 du budget, ce n’était pas possible. J’avais aussi peur qu’une déception à l’aéroport soit trop dure à accepter pour repartir sur une année de préparation pour une mission en 2022 comme on l’a fait. C’était un rôle qui était difficile à assumer parfois.
- C’est vrai que c’était une décision difficile à prendre parce que ça faisait un an qu’on préparait la mission, la plupart de l’équipage voulait croire que les frontières allaient rouvrir… Mais c’est vrai que c’était une bonne idée de s’arrêter plus tôt, pour pouvoir prendre du recul sur ce “non” et pouvoir entamer la nouvelle année de préparation. C’était nécessaire. Marion, une question plus personnelle, pourquoi as-tu voulu participer à une mission MDRS ?
- Sur mon “plan de carrière”, j’aimerais un jour pouvoir travailler dans une agence spatiale pour encadrer ou gérer des vols spatiaux habités vers la lune ou vers Mars. J’ai décidé de rejoindre le Club MARS et plus particulièrement la mission MDRS parce que c’est une chance unique de se mettre dans la tête d’un astronaute pour pouvoir comprendre ce qui peut être difficile ou ce qui peut poser problème. Il est important de comprendre les enjeux et défis auxquels nous allons faire face pendant les missions spatiales pour pouvoir mieux les surmonter.
- Je pense que ça a du sens. Et est-ce que tu te verrais un jour de l’autre côté du miroir, en tant qu’astronaute ?
- Je me suis plusieurs fois posée cette question et je ne sais pas si j’ai le courage ou le calme d’un astronaute. Ce sont des gens tellement sereins et je ne sais pas si j’ai cette qualité. Mais finalement ce n’est pas la partie “être dans l’espace” qui m’intéresse, c’est plus l’idée de pouvoir faire des expériences dans tous les domaines scientifiques tous les jours, d’être en contact avec des chercheurs qui sont au top de leur science, travailler avec eux et les aider. Personnellement, j’ai eu beaucoup de mal à choisir entre physique, chimie et biologie et donc pour moi pouvoir toucher à tout c’est super intéressant. L’autre partie qui m’intéresse beaucoup c’est la communication, par exemple Thomas Pesquet, il a tellement d’impact sur les jeunes, sur notre éducation, notre monde… Et je trouve ça génial que ça vienne de quelqu’un de scientifique. C’est vraiment ces deux côtés là du métier d’astronaute qui m’intéressent.
- Oui je crois que je comprends ! Marion, cette interview touche bientôt à sa fin mais avant j’aimerais te poser une dernière question : c’est quoi ton moment préféré de la journée ?
- Mon moment préféré, c’est la fenêtre de communication. Ce sont les deux heures dans la soirée, de 19h à 21h, où on envoie nos rapports et nos photos au staff de la MDRS. C’est peut-être à ça qu’on voit que la communication avec le monde extérieur me manque, mais finalement envoyer nos rapports et avoir du feedback c’est très intéressant. Recevoir un “j’ai hâte de lire votre prochain rapport”, “vous avez fait de super photos”, ou “vous faites du super travail”, c’est hyper satisfaisant parce que finalement, tous les jours on travaille et on envoie nos rapports pour que ça soit mis sur notre site internet et les réseaux sociaux, mais sans le staff de la MDRS, on n’a pas de retour donc ça fait du bien d’avoir des encouragements ou des félicitations.
- Je suis d’accord avec toi, c'est agréable de recevoir des retours sur son travail ! Marion, cette interview est terminée, merci beaucoup pour ton temps, c’était vraiment sympa !
- Merci à toi !”
Interview de Marion : biologiste, botaniste remplaçante et vice-commandante de l'équipage 240
Et c’est ainsi que s’est conclue cette interview avec notre biologiste, j’espère qu’elle vous a plu ! Des versions plus longues des interviews seront postées sur Youtube à notre retour mais je vous en dirai plus à ce sujet un autre jour ! On se voit demain pour un nouveau rapport avec un nouvel épisode de « Gros plan sur » alors ne le ratez pas !