Bonjour à toutes et à tous ! Bienvenue dans ce nouveau rapport dans lequel vous trouverez un nouvel épisode de « Gros plan sur », notre format dans lequel nous vous parlons des expériences que nous avons apporté avec nous sur Mars. Dans cet épisode nous allons discuter de plusieurs expériences qui nous ont été confiées par le CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) et qui visent à étudier les propriétés de l’air martien. Ça s‘annonce très intéressant !
Mais avant, comme d’habitude, laissez moi vous raconter ce qu’il s’est passé sur Mars pendant ce Sol 9 !
Il faut aujourd’hui que j’aborde un sujet important. Dans la station, les toilettes se déversent directement dans un grand réservoir. Une des missions de François, notre ingénieur, est de vider ce réservoir lorsqu’il est plein. Je peux vous assurer que ce n’est pas du tout une partie de plaisir et que pour nous tous, ses coéquipiers, c’est un peu le héros de la station.
Depuis le début de la mission, nous avons remarqué qu’il devait vider le réservoir beaucoup trop souvent. Ce matin, le réservoir était encore plein et avec l’aide généreuse de notre commandant, ils ont décidé de résoudre le mystère de ce réservoir. Ils ont découvert, par un moyen que je ne vous décrirai pas, qu’il y avait au fond de la cuve une partie solide (oui, c’est répugnant) qui ne partait pas et qui causait le remplissage prématuré de celle-ci. Maintenant que l’origine du problème a été découverte, nous allons pouvoir trouver une solution pour que François n’ait pas à effectuer cette tâche trop souvent. On leur doit vraiment tous une fière chandelle sur ce coup-là. Quand nous serons de retour sur Terre, nous leur offrirons un bon gros burger terrestre pour leur courage et leur dévouement sans faille.
L’EVA de ce matin fût dédiée à mon expérience de cartographie 3D par drones. Sans trop vous dévoiler ce qui sera dit dans le futur épisode de « Gros plan sur » dédié, cette expérience vise à prouver qu’avoir une carte 3D au moment de définir l’itinéraire d’une EVA rend celle-ci moins dangereuse et moins fatigante. Maintenant que Ingenuity a démontré la possibilité pour les drones de voler sur Mars, il est temps de questionner leur intérêt pour le futur. Un usage potentiellement intéressant serait d’éviter aux futurs marsonautes de prendre des risques et de dépenser de l’énergie inutilement sur un chemin compliqué alors qu’un autre chemin plus facile existait et aurait pu être mis en évidence par une carte 3D grâce à un drone.
Dans le but de prouver cette utilité, je vais comparer les performances de mes coéquipiers sur un même parcours en donnant à un groupe la carte 3D et à l’autre seulement la carte 2D fournie par la MDRS. J’en ai déjà dit beaucoup trop, mais si cette expérience vous intéresse ne ratez pas l’épisode de « Gros plan sur » dédié qui sortira très bientôt !
Ce matin, nous sommes donc montés pour la première fois au sommet de North Ridge par la face Sud (nous avions précédemment échoué par la face Nord qui s’est révélée trop escarpée). Arrivés en haut, nous étions très heureux de pouvoir admirer le Hab depuis le sommet que nous avons tant de fois regardé par la fenêtre de la cuisine de ce même Hab ! Demain, les personnes étant restées à la station aujourd’hui partiront avec moi pour la même EVA et je pourrai ensuite analyser les données de tout l’équipage !
EVA vers le North Ridge
Cet après-midi, après toute l’énergie laissée dans l’épisode des toilettes, François, notre ingénieur et héros local, a quand même trouvé la motivation pour tenter de réparer nos combinaisons spatiales. Il y a deux ou trois jours, certains membres de l’équipage ont remarqué que leur système de ventilation ne soufflait plus aussi fort qu’il le faisait en début de mission.
Cela n’en a peut-être pas l’air mais c’est un gros problème pour les EVA sportives comme celle de ce matin. Pendant l’effort, la buée recouvre presque intégralement la visière du casque et enlève toute visibilité. Une perte de visibilité entraîne le risque de ne pas voir un rocher et de tomber au sol. Je peux vous assurer qu’avec une combinaison spatiale sur le dos et le risque de briser votre casque, tomber est la dernière chose que vous souhaitez qu’il vous arrive en EVA !
Après une série de tests, il a découvert que le problème venait de la batterie des combinaisons. Depuis hier, il réalise des mesures au niveau des batteries et de leur chargeur pour trouver l’origine de l’anomalie. Il échange avec l’équipe de la MDRS qui lui donne des conseils sur la marche à suivre à partir des mesures qu’il réalise. Il approche du but et nous sommes toutes et tous convaincus qu’il finira par résoudre ce problème. Il aura l’opportunité de vous parler directement de son rôle d’Ingénieur dans un prochain épisode de « Interview avec » qui sortira très bientôt alors ne le ratez pas !

François, un véritable couteau suisse du Crew 240
Mais maintenant il est l’heure de parler de sciences, il est heure du « Gros plan sur » l’air Martien :
« -Bonjour Clément ! C’est un peu toi qui gères les expériences LOAC, Mega-ARES et PurpleAir en l’absence de Raphaël. Pour commencer, pourquoi avons-nous amené ces expériences avec nous ?
-Une des grandes raisons, c’est qu’à la MDRS nous avons une géologie et un environnement dans lequel nous travaillons qui ressemble, de plusieurs manières, à des choses à laquelle on pourrait s’attendre sur Mars. En particulier, nous vivons dans un environnement particulièrement aride, avec beaucoup de poussière qui peut être soulevée par les vents. Par conséquent, la MDRS est un excellent lieu pour mettre en place des tests afin d’étudier les phénomènes atmosphériques auxquels on pourrait s’attendre sur Mars.
En particulier, un des types d'événements qui peut avoir une grande influence sur une mission martienne, c’est les tempêtes de poussière. Sur Mars, elles peuvent prendre de très grandes proportions, et affecter l’efficacité des panneaux solaires, la visibilité du terrain, ou bien les communications longue distance. C’est pour ça que le développement d’outils pour étudier la présence et les propriétés de l’atmosphère pendant ces évènements peut être extrêmement utiles pour s’assurer de la sécurité des premières personnes à mettre les pieds sur Mars. C’est donc l’objectif principal de ces expériences.
-D’accord, super ! Peux tu expliquer ce qu’est le LOAC ?
-Le LOAC, c’est l’acronyme de « Light Aerosol Optical Counter » - en français, c’est un compteur de particules dans l’air, qui effectue ce comptage par des LASER. Cet instrument a été développé au CNRS d’Orléans, et est ici utilisé pour compter les particules dans les tempêtes de sable, en fonction de leur taille et de leurs écoulements. Il a été utilisé dans de nombreuses campagnes scientifiques au sol, mais aussi sur des ballons stratosphériques, et est même prévu pour un vol dans l’espace à bord d’un nanosatellite, pour s’assurer qu’il est capable de voyager dans l’espace, et peut-être un jour aller sur Mars !
-Wow, génial ! Et qu’en est-il du Mega-ARES ?
-Mega-ARES, c’est un instrument qui mesure le champ électrique dans l’air près du sol. Il y a de nombreux évènements atmosphériques qui peuvent modifier le champ électrique, et les frottements de particules de poussière entre elles peut créer des charges d’électricité statique qui peuvent être mesurées par cet équipement très sensible. Dans les tempêtes de poussière de Mars, on étudie la possibilité que la friction entre les particules puisse causer des décharges électriques dans l’air. Ainsi, ici, quand les particules sont très présentes dans l’air et s’entrechoquent entre l’antenne et le sol, ou frappent directement l’antenne, elles peuvent être détectées. Ainsi, tandis que le LOAC mesure le type de particules dans l’air, Mega-ARES étudie l’influence qu’ont ces particules dans l’atmosphère basse.
Mega-ARES c’est le grand frère conçu pour la Terre de Micro-ARES, qui était une charge utile sur l’atterrisseur Schiaparelli lancé par l’Agence Spatiale Européenne pour une arrivée sur Mars il y a une dizaine d’année, atterrisseur qui a malheureusement échoué à son arrivée dans l’atmosphère martienne. Pendant ce temps, les tests au sol dans des endroits comme la MDRS permettent de récolter des données supplémentaires, pour continuer à montrer l’importance de ce genre de données sur Mars.
-Cette année, il y a un nouvel arrivant dans le matériel apporté par les équipages Supaéro. Peux-tu me parler de PurpleAir ?
-Bien sûr ! PurpleAir, c’est un outil qui mesure la qualité de l’air, en détectant plusieurs types de particules qui peuvent être associées à l’activité humaine ou à d’autres types de pollution. C’est un outil très important pour que l’on obtienne des données aussi bonnes que possible des autres expériences, car LOAC et MegaARES ont autant que possible besoin d’être éloignés de l’activité humaine pour mieux fonctionner. Ainsi, on obtient non seulement des meilleures données des autres expériences, mais aussi des informations supplémentaires sur la composition de l’atmosphère autour de la station.
-Et pourquoi la station météo est-elle si importante ?
-Cette station, c’est un outil très utile pour vérifier nos données – beaucoup de nos expériences mesurent des données météorologiques, et une station dédiée permet de s’assurer de la validité des données récoltées. En plus de cela, la connaissance de la vitesse et de la direction du vent a une valeur évidente pour comparer avec les mesures des outils, car les vents plus violents génèrent de plus grands soulèvements de poussière, qui sont les phénomènes étudiés ici. En plus de cela, la station émet directement des données pour nos récepteurs dans la station, ce qui nous permet d’avoir des données en temps réel des conditions extérieures – et ça nous a déjà été particulièrement utile il y a quelques années, quand les vents étaient assez rapides pour faire tomber la station !
-Merci Clément pour ton temps et pour toutes ces explications ! »
Et c’est déjà la fin de cet épisode de « Gros plan sur » ! J’espère qu’il vous a plu et que vous avez appris des choses ! J’ai hâte du prochain épisode pour pouvoir vous en dire plus sur nos super expériences !