SOL 16 : Il faut parfois savoir repartir de zéro…
SOL 16 : Il faut parfois savoir repartir de zéro…
« A la vérité, les choses ne révélaient rien par elles-mêmes ; c’étaient les gens qui, en observant les choses, découvraient la façon de pénétrer l’Âme du Monde. » - L’Alchimiste, Paulo Coelho
La matinée a été bien occupée pour tout l’équipage ! Nous avons effectué plusieurs tests cognitifs, dans différents modules, pour l’expérience Orbital Architecture. L’objectif est d’étudier nos performances en fonction du lieu où nous nous trouvons dans la station. Pour cette expérience, nous portons sur nous aussi beaucoup de capteurs différents. Par exemple, nous portons tous dans la journée un capteur qui permet de connaître notre position dans la station grâce à des ancres que Lise a placé partout dès le début de la mission. Nous l’allumons tous les matins, et nous enregistrons les données le soir. Aussi, nous avons un Polar band, un bandeau autour de la poitrine sur lequel est fixé un capteur de rythme cardiaque. Nous le portons toute la journée, et les membres de l’équipage qui ne sont pas dérangés le portent aussi la nuit. Toutes ces données seront ensuite récupérées par le chercheur de l’Université de KTH, qui porte cette expérience. Pour terminer la liste des capteurs que nous avons en permanence avec nous, il y a les montres. Les montres prennent une grande quantité de données, et notamment des mesures la nuit sur notre sommeil. Au début de la mission, il a été un peu compliqué de s’habituer à tous ces appareils, mais après 16 Sols, nous sommes vraiment bien habitués à leur fonctionnement et à la façon d’enregistrer les données. Tous ces capteurs ne sont pas très contraignants pour nous, surtout lorsque l’on sait que ces données seront ensuite utilisées pour des recherches scientifiques très intéressantes !
Léa, notre astronome de bord, a reçu ce matin les photos d’astrophotographie qu’elle avait lancé pendant la nuit, sur l’Observatoire robotique. C’est la première fois depuis le début de la mission qu’elle est satisfaite des photos qu’elle prend. En effet, l’astrophotographie, ce n’est pas si simple ! Elle a traité les données et obtenu une magnifique photo de la nébuleuse M-42 qu’elle avait visé ! Maintenant qu’elle comprend bien comment cela fonctionne, elle espère pourvoir faire de nouvelles observations et avoir d’autres photos à nous présenter !
Nous avons eu un contretemps dans notre expérience de photogrammétrie aujourd’hui. Reprenons la chronologie des évènements. Nous avons réalisé une expérience de photogrammétrie la semaine passée à North Ridge, pour comparer les performances de deux équipes ; une équipée d’une carte générée en 3D à partir de photos prises au drone, et l’autre d’une carte 2D classique. La photogrammétrie réalisée à North Ridge était bien réussie et cette semaine, nous souhaitions réitérer l’expérience à Candor Chasma ; d’où l’EVA d’hier où Yves, Mathurin et Leo sont allés prendre des photos au drone du site. Ils n’avaient que la semaine passée pour seule expérience de la photogrammétrie, et leur idée étaient qu’en prenant le maximum de photos, nous obtiendrions une carte plus précise. C’est pourquoi hier ils ont pris 1400 photos de Candor Chasma en drone, et couvert 50 hectares, contre 650 photos pour 38 hectares la semaine dernière. Hier, ils étaient contents de leur photogrammétrie mais craignaient que la génération de la carte soit plus compliquée du fait de la différence de reliefs entre Candor Chasma et North Ridge. Comment vous les décrire ? Au milieu du désert rouge d'oxyde, se dresse North Ridge, lissée par les vents, vêtue du rouge habituel de la planète mais aussi de vert, de blanc, de jaune. Bien qu'imposante par sa taille, ce n'est pas une montagne intimidante comme peuvent l'être celles sur Terre. Tout en pentes douces et rondeurs, North Ridge nous invite à l'ascension, guidés par les gradients de couleurs de ses flancs. Rempli de recoins, de fissures, de canyons tout en ayant facilement une bonne visibilité sur l'intégralité de la zone, c'était l'endroit parfait pour une photogrammétrie. Candor Chasma, en revanche, est une balafre déchirant la terre. Aussi profond que North Ridge est haut, le canyon nous entoure de ses hauts murs sinueux, éventré de tous côtés, comme un fleuve rejoint par ses affluents. Tout en angle et détour où la visibilité est réduite, ce n'était pas du tout l'endroit parfait pour une photogrammétrie. Et pour cause, après avoir passé 11 heures à traiter les images, le logiciel a rendu une carte 3D qui n’était pas à la hauteur de nos attentes… Certains points n’étaient pas placés aux bons endroits, ce qui faussait complètement la carte. Yves et Mathurin ont tout de suite pensé qu’il fallait recommencer l’acquisition en retournant à Candor Chasma, et ont essayé d’organiser une EVA pour cet après-midi ! Cela nous aurait permis de ne pas chambouler le planning des EVA tel que nous l’avions prévu, mais cette demande n’a pas été acceptée par Mission Support. Nous avons donc réorganisé les prochaines EVA pour que Leo, Yves et Mathurin retournent à Candor Chasma avec le drone demain. C’est la première fois qu’une réorganisation du planning impacte directement la fin de mission, ce qui nous a fait réaliser que dans pas si longtemps, il faudra partir de la station… Yves et Mathurin ont ensuite utilisé l’après-midi pour essayer de comprendre comment améliorer leur photogrammétrie pour demain, afin de ne pas rencontrer les mêmes problèmes. En effet, la photogrammétrie étant un sujet complexe et les membres d’équipage n’en étant pas des experts, ils ont passé plusieurs heures à éplucher la documentation et sont arrivés à plusieurs hypothèses sur les raisons des erreurs de la carte. Maintenant, ils ont développé une stratégie basée sur ces conclusions. Lorsqu’ils seront à Candor Chasma demain, Yves et Leo pourront mieux suivre le drone et guider Mathurin, pilote du drone, sur les zones à photographier. Ainsi, Mathurin pourra mieux se concentrer sur les photos et nous espérons que la carte sera réussie !
Hormis cet événement, qui a mobilisé beaucoup de matière grise au sein de l’équipage, l’après-midi a été assez calme. Par exemple, Léa a continué de travailler sur l’imprimante 3D afin d’essayer encore une fois de la faire redémarrer, tandis que Leo et moi avons joué aux échecs !