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Jérémy Rabineau, Commandant du Crew 275
Si l'on veut un jour atteindre Mars, il ne suffira pas de construire une grosse fusée et d'espérer que tout se passera comme il faut. En réalité, l'exploration spatiale implique toute une diversité d'acteurs et leurs disciplines respectives.
A notre propre échelle, et afin de s'assurer du succès de la mission, notre équipage inclut des membres aux responsabilités complémentaires allant des sciences et de l'ingénierie à la sécurité, la communication et la gestion d'équipe.
En préparant la mission, l'objectif était de constituer un équipage de sept individus capables de faire face à la majorité des événements prévus et imprévus qui peuvent se produire lors d'une simulation de vie sur Mars, avec une aide extérieure très limitée.
Cependant, comme pour toute autre mission, on ne construit pas le meilleur équipage en rassemblant simplement les meilleurs individus dans leur domaine. Au lieu de cela, il faut tenir compte de nombreux autres paramètres, notamment ce que l'on appelle les soft skills ainsi que la compatibilité entre les membres d'équipage.
En repensant aux derniers mois et à toute l'énergie que nous avons mise dans la préparation de cette mission, je peux dire avec confiance que le Crew 275 a tout le potentiel pour réussir son séjour à la Mars Desert Research Station (MDRS). Cela dit, même si tout est fait pour anticiper ce qui pourrait mal tourner, en prenant part à de telles missions, il faut aussi accepter le fait qu'il n'est pas possible d'avoir un contrôle total sur tout ce qui peut se passer.
Grâce à ma précédente expérience à la MDRS en 2016, j'ai peut être un petit avantage sur mes coéquipiers, car j'ai une meilleure idée de ce qui m'attend ici. Mais chaque mission est différente et il serait audacieux de prétendre que je suis protégé contre tout éventuel événement indésirable. Je dois rester conscient que la station a beaucoup changé pendant ces dernières années et que nous allons y séjourner deux fois plus longtemps que lors de ma première mission.
Après avoir fait nos derniers pas de Terriens, nous sommes sur le point de fermer la porte du sas. Demain, nous nous réveillerons en tant que Martiens. C'est la fin d'un véritable marathon au cours duquel nous avons dépensé beaucoup d'énergie à nous former à toutes les expériences que nous allons réaliser et à mettre en place toute la logistique qui les entoure. Cependant, nous avons veillé à garder suffisamment d'énergie pour un autre marathon, très différent, qui commencera demain lorsque nous "atterrirons" sur Mars. En fait, si l'on inclut également la période post-mission consacrée à l'analyse des données et que l'on pousse l'analogie sportive un peu plus loin, l'expérience dans son ensemble pourrait presque être décrite comme un triathlon : trois épreuves d'endurance très différentes mais d'importance égale. Aucune d'entre elles n'est suffisante pour garantir le succès, mais si l'on échoue à l'une d'entre elles, alors on échoue à l'ensemble !
Tout cela peut paraître impressionnant, mais, comme dans une course de fond, il faut franchir les étapes les unes après les autres. À présent, la prochaine étape sera de passer notre première nuit dans ce nouvel environnement. C'est presque romantique de se dire que Mars est dans nos rêves depuis bien longtemps, mais qu'à présent il n'y a qu'un rêve qui nous sépare de Mars. Que ce soit à cause de l'excitation ou bien parce qu'il faut que l'on s'habitue au confort relatif de nos nouveaux lits, une chose est certaine : la plupart d'entre nous auront du mal à s'endormir ce soir !
Per aspera, ad astra!