13 Mars 2019
Sol 17 : Retour d’urgence
Lorsque l’équipe EVA de la journée explorait la zone sud de la station, elle a fait face à de forts vents et a pris la décision de revenir à la station. Le début de l’EVA s’était bien déroulé: ils se sont rendus à la station météo et au LOAC pour faire de l’entretien, comme d’habitude. Puis ils se sont dirigés vers le sud. Le premier arrêt s’est fait avant les Kissing Camels Ridges.
Le vent était encore assez faible, mais il faisait assez froid. C’est à leur deuxième arrêt que les choses se gâtent: après 10 minutes de marche, le vent s’est levé de façon spectaculaire et rapide, l’équipe EVA a commencé à ressentir le froid du vent à travers ses gants. Il devenait difficile d’entendre les autres membres à la radio et le vent les poussait. Cerise, leader de l’EVA, a pris la bonne décision d’abandonner l’EVA et de retourner directement aux rovers. L’équipe est rentrée au Hab tandis que le vent a beaucoup sollicité les batteries de rover. L’équipe est arrivée dans le sas de pressurisation frigorifiée, mais saine et sauve. Cette EVA était différente du reste de notre mission. Cerise, Jérémy, Aurélien et Norbert ont exploré une vaste région sans objectif précis, si ce n’est la volonté d’explorer et de découvrir des régions inconnues. Ils ont conduit les rovers le long de Cow Dung Road et se sont arrêtés dès qu’ils trouvaient un bel endroit géologique. Ce fut une véritable exploration, comme les premiers colons devront faire sur Mars.
Aujourd’hui a été une étape importante pour certains d’entre nous. Notre mission se terminera dans moins de deux jours et nous avons commencé à le réaliser à partir d’aujourd’hui. L’effet sur nos comportements est étrange: nous avons un pied sur Terre mais l’autre est encore bien ancré sur Mars. D’une part, il nous est plus facile de vivre dans cette optique car le confinement a moins de poids sur nous. D’autre part, la mission est l’un des moments les plus intenses de notre vie, que nous avons préparé pendant un an et il est difficile de voir sa fin approcher. Deux d’entre nous retourneront dans la MDRS pour commander les missions ISAE-SUPAERO en 2020, mais pour les autres, ce sont certainement nos derniers jours sur la planète rouge. Cela affecte la vie du Hab et les expériences.
Mais les effets sont très différents d’un membre d’équipage à un autre. Par exemple, Aurélien et Norbert sentent la fin de la mission arriver à grands pas alors que je me sens encore comme un astronaute en plein milieu de sa mission. J’ai été vraiment surpris par exemple quand Aurélien m’a dit que demain nous allions commencer à faire nos bagages. Le fait que dans trois jours nous serons dans un avion pour Paris nous rends différents ces jours-ci, ce qui n’aurait pas lieu si nous étions au milieu d’une mission plus longue. Nous pensons plus que jamais au retour et cela à une influence sur nous, et je pense que ces jours-ci, tout comme les premiers jours de la mission, sont moins pertinents pour les résultats scientifiques et les facteurs humains. Samedi, l’équipage 207 nous rejoindra dans la MDRS. Le Hab et l’équipage 206 seront prêts à les accueillir et à les laisser commencer leur science ici.
Auteur : Benjamin Auzou, Journaliste