14 Mars 2019
Sol 18 : Pensées martiennes
Encore plus qu’hier, nous sentons la fin de la mission approcher, nous avons nettoyé dans la journée l’ensemble de la station pour préparer l’arrivée de l’équipage 207, filmé des réponses à des questions posées par des collégiens et lycéens français sur notre mission, et exploré pour la première fois l’Est de la MDRS. C’était une EVA particulière puisqu’elle était la dernière de la mission pour Cerise et Jérémy, et si
Cerise sera peut-être de retour en tant que commandante l’an prochain, c’était pour Jérémy la dernière sortie sur le sol martien en tant que membre d’un équipage ISAE-SUPAERO, ce qui a donné une saveur particulière à l’exploration. Nous avons visité les abords du canyon Candor Chasma et ses paysages majestueux et inédits pour nous tous. Nous avons pris le temps d’admirer ce que nous avions devant les yeux et Jérémy a pu prendre ses derniers clichés de la Planète Rouge.
Je tiens particulièrement à le remercier pour ce qu’il a fait pour l’équipage et le Club MARS; Green-Hab Officer de la mission 189 et Commandant de cette mission 206, il s’est impliqué activement dans le bon déroulement de ces missions et le développement d’expériences scientifiques. En parallèle il a aussi participé à la diversification des activités de l’association, en s’impliquant notamment dans les activités d’ouverture sociale du programme OSE l’ISAE-SUPAERO. Je lui souhaite au nom du reste de l’équipage une bonne continuation dans le stage palpitant qui l’attend et pour l’obtention de son diplôme, avec la certitude que les trois semaines que nous avons passé ensemble ici ont forgé des liens qui dépassent l’éloignement que causera notre dispersion à travers le monde pour nos stages et cursus différents.
Après ces trois semaines de mission bien remplies et qui s’achèveront demain, nous commençons à établir le bilan de cette aventure. Chacun est venu ici avec des objectifs, qu’ils soient individuels ou collectifs et nous commençons à en avoir les réponses. Comment allons-nous vivre le confinement ? Comment les relations au sein de l’équipage vont évoluer ? Quels résultats scientifiques allons-nous obtenir ? Ce sont là les raisons de cette mission humaine et scientifique. Nous avons préparé depuis un an cette mission ensemble en parallèle d’autres actions comme des interventions dans des collèges et lycées. C’est ce qui fait de nous un équipage soudé et à toute épreuve et qui fonde toute la dimension humaine de la mission, nous en avons appris beaucoup sur nous même et sur la vie d’équipage.
Mais nous réalisons cette mission avant tout pour faire progresser la science et amener l’homme sur Mars. Nous avons passé trois semaines en confinement, participant à et déployant de nombreuses expériences. Celles-ci avaient pour but d’étudier l’influence du confinement sur nos comportements, performances, motivation, mais aussi d’établir des protocoles expérimentaux reproductibles dans l’optique d’une mission scientifique vers Mars.
Alors que Neil Armstrong a posé le premier pas sur la Lune pour l’humanité, le premier pas sur Mars sera fait par l’humanité. La clé de la réussite de ce grand édifice humain est la collaboration : que ce soit la collaboration internationale mais aussi la collaboration entre les acteurs nationaux et privés. En effet l’exploration de Mars ne pourra pas être l’œuvre d’une nation seule, d’une entreprise isolée, mais celle d’un ensemble d’organisations et de personnes. Et si un nombre restreint de personnes pourra dans un premier temps atteindre la planète rouge, cela sera le résultat du travail de nombreuses personnes. Les ingénieurs travaillant au sein des agences et entreprises sur la production de moyens techniques, les chercheurs participant au développement de concepts et procédés pour améliorer le vol habité, les diplomates agissant à la promotion de l’exploration spatiale, les étudiants qui comme nous participent à leur échelle à la modernisation du vol spatial, les professeurs transmettant aux jeunes populations la passion ou les vocations scientifiques, les gens passionnés par l’espace qui parlent autour d’eux de cette passion et des avancées qu’elle génère.
J’ai en cette fin de mission une pensée particulière pour mon professeur de physique-chimie de lycée, Pascal Martin, tragiquement décédé d’un accident de voiture. Cet homme fascinant m’a toujours impressionné par la passion et le cœur qu’il mettait dans l’enseignement de sa matière, et bien plus encore. Il avait également une capacité d’adaptation aux besoins de chaque élève qui permettait de faire avancer chacun, que l’on soit un petit génie de la physique ou un étudiant en difficultés. Il m’a notamment transmis en plus des connaissances du programme scolaire une grande partie de sa curiosité pour les sciences, de son envie de découvrir des choses, tout en travaillant au partage de la connaissance.
Je le reconnais particulièrement dans les deux vocations du Club MARS : la recherche et la vulgarisation scientifique. A lui qui voulait la réussite et le bonheur de tous ses élèves, à l’école et à l’extérieur, dans la vie privée comme professionnelle, je peux assurer que je vis aujourd’hui une aventure grandiose qui participe à un objectif encore plus grand. Et pour cela et au nom de tous mes camarades dont il a participé à la réussite et à l’accomplissement : Merci !
Auteur : Benjamin Auzou, Journaliste