7 Mars 2020
Sol 6 – Crew 223 : Communication
Il y a deux jours, en sortie, le système de communication de Marion est devenu inutilisable, la rendant incapable de communiquer avec le reste de l’expédition par radio. Heureusement, grâce au peu de communication non-verbale que nous avions appris pour être plus efficaces, elle est restée capable de passer son rôle de leader d’EVA à Luc et a poursuivi la sortie normalement. Cette situation a fait réfléchir Aurélien : comment faire si tous nos systèmes de communication échouent ? Les EVA limitent drastiquement nos sens, car nos épaisses combinaisons limitent notre vue, notre toucher et nos mouvements. Même avec les radios, il peut s’avérer difficile de coordonner les rovers sur les routes. En rentrant dans le Hab, il posa la question : est-ce possible de mener une EVA entière sans utiliser une fois les radios ?
La communication est le centre de toute EVA. Nous devons être clairs avec le HabCom, à l’intérieur, qui a besoin de données sur les véhicules et le niveau d’eau dehors, il doit nous donner la permission d’entrer et sortir de différentes zones, et requiert des informations lors de notre arrêt près de la base pour le remplacement de batteries sur nos expériences. Entre les membres d’équipage en expédition, la communication verbale est tenue à un minimum, car les communications radio saturent vite si plusieurs personnes tentent de parler simultanément. Ce qui reste, cependant, est l’ensemble des communications importantes : si tout le monde va bien, dans quelle direction il faut aller, ou la direction et l’arrêt des rovers. Une grande quantité de communications cruciales passent par la radio, et imaginer les manières d’en éliminer le besoin et de trouver des alternatives n’est pas mince affaire. Pendant que nous étions en sortie hier avec Blandine, Valentin et Florian, Aurélien, Luc et Marion réfléchissaient à un protocole pour mettre en place une EVA entièrement silencieuse.
La proposition finale, telle que Luc nous l’a donnée, étaient astucieuse et avait l’air imparable. Nos 5 minutes minimum de dépressurisation dans le sas seront régies par l’allumage des lumières de l’autre côté. La prise de mesures de niveau d’eau et d’état des rovers sera distribuée entre nous et relayée par Marion via des signes de la main à Valentin, notre Habcom, à travers un des hublots du Hab. Il répondra d’une même manière et nous donnera la permission de partir en rover. Pour s’assurer qu’aucun rover ne reste bloqué derrière l’autre sans s’en rendre compte, celui devant allait périodiquement s’arrêter, se laissant doubler par l’autre, et cette danse continuerait jusqu’à l’arrivée à destination. A pied, il est possible de mimer la plupart des choses – des signes de main ont été décidés pour se tenir au courant de nos niveaux de fatigue et de douleur, pour prendre la décision de partir en fonction du niveau de confort de chacun.
Le test a été une réussite complète, et l’EVA a été entièrement nominale sans qu’un seul mot n’ait été prononcé. Il y a deux ans, l’équipage Supaéro MDRS avait conçu des plans similaires pour les cas d’urgence médicale en EVA. Toutes ces situations sont parfaitement vraisemblables en EVA, et nous sommes heureux de continuer des projets dans le même thème. La communication d’année en année entre les équipages fait la force de nos missions, et nous donne de grands espoirs pour les expériences qui pourront être menées dans les années à venir.
Le Science Dome, quant à lui, était bien moins silencieux. L’expérience de communication en langue étrangère de Marion se poursuit bien, et les anglophones, germanophones, et hispanophones oeuvrent encore à la construction de figures en LEGO et cherchent de nouveaux moyens de se comprendre mutuellement. Les puzzles deviennent plus durs, mais ce qui est intéressant est que les binômes sont en train de développer leur propre vocabulaire pour décrire différentes pièces, et beaucoup moins de temps est perdu comparé aux premières tentatives. La semaine prochaine, un différent jeu : Keep Talking and Nobody Explodes. Un jeu rapide de désamorçage de bombe, où une personne voit les puzzles, mais seulement les autres ont un manuel pour les résoudre. On commence à être synchronisé, donc ça peut seulement être intéressant !
Auteur : Clément Plagne, Journaliste