EQUIPAGE
Comment postuler pour devenir Astronaute ?
Astronaute, cosmonaute, spationaute… Tous ces mots ont leur place dans ce questionnement, mais ce n’est pas de cette subtilité-là dont nous allons parler. Orbiter autour de la Terre n’est pas une chance offerte à tout le monde, et elle implique de grandes responsabilités qui sont prises au sérieux par les agences spatiales. Ainsi, les futurs astronautes passent des longues et rigoureuses sélections, avant de suivre plusieurs entraînements. Dans cet article, nous allons nous axer sur les critères de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), mais il faut savoir qu’il existe plusieurs modes de fonctionnement possibles (NASA, JAXA,…).
Avant de devenir astronaute, donc, il faut candidater. Pour cela, plusieurs prérequis sont listés et accessibles au grand public sur le site de l’ESA ! Parmi eux, on note qu’il faut être citoyen de l’un des 22 pays membres ou associé de l’ESA. Il faut également être détenteur d’au moins un master en sciences naturelles, ingénierie, informatique ou mathématiques. Une alternative à une absence de diplôme Master serait d’être Pilote d’essai expérimental, ce qui est bien le cas de certains astronautes ! Par exemple, Sophie Adenot était pilote d’essai sur les hélicoptères. La difficulté de ce métier est sans aucun doute un bon entraînement pour la gestion du stress et pour apprendre à garder son sang-froid. Peut-être êtes-vous encore étudiant ou étudiante, et que vous cochez déjà ces deux premières cases. Nous avons pourtant le regret de vous annoncer qu’il vous faudra peut-être attendre encore un peu avant de pouvoir candidater : une expérience professionnelle d’au moins 3 ans est requise ! Ajouté à cela, il vous faudra des excellents niveaux en Anglais et dans une autre langue. Voici déjà des critères qui réduisent drastiquement la possibilité de candidater, mais ce n’est pas tout : un âge limité à 50 ans et une certification de bonne santé équivalente à celle d’un Pilote de classe 2 pourraient aussi vous exclure de la liste… Enfin, une des idées les plus communes concerne la condition sportive des candidats : faut-il être un grand athlète ? Il semblerait bien que non… Une bonne condition physique est évidemment nécessaire, mais être trop musclé ou trop sportif pourraient être un désavantage dans l’espace ! Une quantité trop élevée de masse musculaire à entretenir pourrait être trop contraignante dans l’ISS.
Malgré tous ces critères, pour l’ESA, en 2022, c’était 22 000 candidats qui ont quand même pu postuler !
Mais postuler ne fait pas tout, il faut maintenant passer la première sélection et se diriger vers les premiers tests. Les principales facultés concernées sont les compétences cognitives, c’est-à-dire la façon dont vous apprenez les choses. Puis les compétences techniques que vous pourriez posséder, mais également des exercices de coordination et des tests de personnalité. Un paramètre essentiel pour espérer devenir astronaute serait également de savoir travailler en équipe. En effet, être isolé du reste du monde pendant plusieurs mois avec un équipage multiculturel n’est pas chose facile, en sachant notamment à quel point les astronautes sont sous tension et ont une charge de travail élevée. Alors, ils sont également testés en groupe et doivent résoudre des problèmes où il est nécessaire de collaborer !
Nous continuons donc d’avancer dans la sélection, et admettons que vous ayez passé tous ces tests. Déjà, c’est un grand bravo : si vous en êtes arrivés jusque-là et que, malheureusement, vous ne vous retrouvez pas dans la sélection finale des astronautes, vous avez de grandes chances pour que l’ESA vous propose un poste ! Alors, vous allez pouvoir commencer à passer les tests médicaux. L’issue de ceux-ci sera tristement sévère : en orbite, le risque zéro n’existe pas, mais si l’on peut en diminuer drastiquement le pourcentage, alors c’est fait. Ainsi, les premières évaluations seront cliniques. On vous fera passer un questionnaire médical détaillé, incluant des questions sur la santé générale dans votre famille, et des consultations spécifiques réalisées par des médecins spécialistes de l’aviation, des ophtalmologistes (on peut porter des lunettes dans l’espace !), dentistes, psychiatres… Puis, l’on vous fera des prélèvements sanguins destinés à être envoyés en laboratoire : hématologie, biochimie, maladies infectieuses… et autres mots scientifiques ! Parmi tous les autres tests auxquels vous serez soumis, vous devrez aussi passer des IRM du cerveau, des enregistrements de votre rythme cardiaque sous effort maximal, et beaucoup d’autres échographies ou scanners. Votre corps sera testé de fond en comble, mais cela ne signifie pas qu’il faille être parfait ! Le choix, en effet, appartiendra bien aux médecins, qui peuvent très bien décider que certains soucis ne pourront pas poser de problèmes dans l’espace. Ces tests ont d’ailleurs lieu au DLR à Cologne (Allemagne), mais également au MEDES à Toulouse (France).
Votre phase de sélection se terminera alors par deux phases d’entretiens, et peut-être alors serez-vous sélectionnés… Imaginons-nous désormais que l’ESA ait annoncé officiellement que vous ferez partie du prochain équipage d’astronautes ! Votre nom et votre visage seront à présent affichés partout, et vous serez très demandé pour réaliser des interviews en tous genre. Ce sera également le début de votre petit tour du monde : il vous faudra vous rendre en Allemagne (EAC), en Russie (Moscou), au Japon (Tsukuba) et aux Etats-Unis (Houston) pour commencer votre entraînement ! Vous êtes alors qualifié d’ASCAN ou « AStronaute CANdidate », et vous allez pouvoir commencer votre première partie d’entraînement : le Basic Training… (cf autre article)
SOURCES : Cours de Space Medicine avec Anne Pavy-Le Traon, Laure Boyer, https://www.esa.int/
B Comet, tests médicaux : Gray et al, 2019
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Une fois Astronaute Candidate, comment devient-on Astronaute ?
Vous venez de passer à travers la sélection ardue pour devenir Astronaute Candidate (ASCAN), et maintenant, vous avez été officiellement présenté au grand public ? Vous êtes apte à commencer votre Basic Training. Il durera une année complète, et aura lieu à l’European Astronaute Center (EAC) situé à Cologne, en Allemagne. Mais il ne sera pas unique, et sera suivi du Pre-Assignement Training, et de l’Increment Training.
Le Basic Training, dans le cadre de l’ESA*, est séparé en quatre principales parties, qui ont toutes leur importance. Les ASCAN réunis devront commencer leur entraînement par une introduction générale, qui leur donnera un point de vue sur l’état actuel du secteur spatial et sur l’histoire de la conquête spatiale. Ils doivent également être tenus informés des grandes décisions du gouvernement liées à l’exploration spatiale. Si l’espace n’appartient à personne, il est pourtant bien accessible à ceux qui le peuvent, et cela implique des collaborations internationales et des accords à mettre en place…
La seconde partie du Basic Training vous fera revenir à l’école si vous l’avez déjà quittée : vous réapprendrez les savoirs fondamentaux scientifiques, et serez remis à niveau sur les notions que vous auriez pu oublier. L’idée derrière ces cours est de permettre aux astronautes de remobiliser leurs connaissances, dans le but de préparer leur future profession d’astronaute. Cela signifie qu’ils apprendront des notions d’ingénierie spatiale, de génie électrique, d’aérodynamique* et bien d’autres. Mais prenez garde : leurs enseignants ne sont pas des professeurs, mais des pédagogues très spécialisés dans la transmission rapide et efficace du savoir, selon la méthode validée par l’ESA.
Une fois tout cela révisé et enregistré, les astronautes vont enfin pouvoir découvrir, de façon théorique, l’environnement dans lequel ils vont évoluer pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois. Ils doivent comprendre parfaitement de quelle façon s’agence l’ISS, où se trouvent les objets dont ils auront besoin sur place, et quels systèmes ils devront être capables d’utiliser (voir de réparer !). Ce sont des notions essentielles au bon déroulement d’une mission à bord de la station. Enfin, la dernière partie de l’entraînement portera nos Astronaute Candidates encore plus loin: s’entrainer à devenir astronaute, c’est apprendre ce qu’est un astronaute, quelles sont ses missions et ses responsabilités… Ils vont donc développer des compétences spéciales, notamment apprendre à réaliser des docking (un cargo vient s’amarrer à l’ISS par exemple), à parler la langue Russe, à faire de la plongée sous-marine pour s’entraîner aux sorties extravéhiculaires (EVA, c’est-à-dire à se déplacer dans l’espace hors du vaisseau), mais ils vont également devoir en apprendre plus sur le comportement humain !
Le comportement humain étant l’un des paramètres clés pour qu’une mission se déroule au mieux, les astronautes doivent donc se familiariser avec la psychologie humaine dans des conditions complexes. Il n’est pas courant de se retrouver confiné pendant 6 mois, de voir un lever de soleil toutes les 45 minutes, ni d’avoir d’intimité… Mais il faut bien trouver une façon d’entraîner les astronautes, alors l’ESA a mis en place le CAVES Training (Cooperative Adventure for Valuing and Exercising human behaviour and performance Skills). Le concept est simple, mais alléchant : les astronautes doivent se rendre dans des souterrains (caves et grottes) pendant un certain temps, et y vivre. Ainsi, ils apprennent à communiquer de façon efficace, à prendre des décisions et à résoudre des problèmes de taille ! Comme quoi, il est enfin temps de laisser place à la pratique…
L’introduction aux différentes parties de l’ISS qu’ils ont vue dans le Basic Training n’est pas suffisante pour devenir un réel opérateur de la station. Alors, quand ils ont validé cette première étape, ils peuvent s’embarquer pour l’entrainement suivant : le Pre-assignement Training, qui consiste en un apprentissage détaillé des systèmes de la station. C’est aussi l’entraînement qui variera le plus en temps d’un astronaute à l’autre : ils restent à cette étape jusqu’à ce qu’ils soient assignés à une mission spatiale. Les astronautes en attente de travail peuvent donc y rester pour des durées allant de quelques mois à plusieurs années… Passant de pays en pays, ils traversent les différents sites d’entrainements situés aux Etats-Unis, au Japon, en Russie ou encore au Canada. Ils pourront alors s’entrainer sur différentes reproductions des parties de l’ISS, notamment celle du module Columbus pour la partie européenne. Un astronaute qui n’est pas en mission sera aussi une ressource précieuse pour ses camarades en vol : le cas extrême de la mission Apollo 13 en est un bel exemple. Lorsque Ken Mattingly a vu s’annuler son vol vers la Lune, et remplacé à la dernière minute par Jack Swigert, il a été d’un support sans faille pour réussir à comprendre d’où venait le problème de la capsule qui a mis en danger la vie des trois astronautes.
Ajouté à tout cela, l’équipe pourra aussi être envoyée au milieu de la Sibérie pour un entraînement de survie, ou encore sous la mer dans le module Aquarius pour la mission NEEMO*. C’est l’Intensive Training.
Et voilà, la fin de l’entraînement approche : vous vous réveillez un matin, et l’on vous annonce que vous êtes assignés à une mission spatiale ! Vous avez été choisi pour partir vers l’ISS (ou vers un astre, qui sait ?), pendant une certaine durée, et dans un certain temps. Vous débloquez donc la dernière partie de votre quête pour devenir un astronaute aguerri : l’Increment Training. C’est la partie spécifique de l’entraînement, où l’astronaute va être formé aux particularités de sa mission. Elle dure en général près de 2 ans. L’équipage constitué va alors pouvoir se rencontrer, apprendre à se connaitre et à travailler ensemble ! Ils apprendront à utiliser le bras robotique de l’ISS, à faire des EVA dans la piscine, et à connaître les expériences scientifiques dont ils seront responsables.
Léa Bourgély
*NEEMO : Nasa Extreme Environment Mission Operation
*ESA : European Space Agency.
SOURCES : Cours de Space Medicine avec Laure Boyer, https://www.esa.int/, interview avec Laura André-Broyer, Wikipedia