HUMAIN
Comment évolue le corps humain dans l’espace ?
Si le corps humain a su évoluer et s’adapter à son environnement pendant des milliers d’années, le XXIe siècle lui offre de nouveaux défis : la Terre certes, mais qu’en est-il de l’espace ? Si les premières grandes migrations nous ont bien appris quelque chose, c’est que le corps humain sait s’adapter, et de façon étonnamment rapide. Les premiers astronautes en orbite, eux, continuent de nous approvisionner en données riches et passionnantes sur ce nouvel environnement, bien plus hostile que n’importe quel endroit sur Terre.
L’espace peut se caractériser d’un point de vue scientifique comme un milieu inconnu, infini et passionnant. Quand on imagine un astronaute, on le voit tout de suite qui « flotte » dans cet environnement. Cette micropesanteur nous est inconnue sur Terre (à quelques exceptions près, comme les vols zéro G), et a des impacts considérables sur le corps humain.
- Le Fluid Shift (déplacement des fluides)
Sur Terre, la gravité attire vos fluides corporels jusqu’à vos pieds en continu, forçant le cœur à réagir comme une pompe pour tracter le sang jusqu’à votre cerveau. Si vous annulez ou diminuez drastiquement cette force puissante, votre cœur bat toujours aussi fort, mais rencontre moins de résistance: vos fluides corporels seront donc tractés dans votre tête. C’est ce que l’on appelle la « Puffy Face », que vous pouvez retrouver sur tous vos astronautes favoris : un visage rouge, gonflé, qui les rend méconnaissables. Après quelques jours d’adaptation, les fluides se régulent à nouveau, le cœur comprenant qu’il a besoin de moins travailler pour déplacer le sang. C’est début du déconditionnement cardio-vasculaire.
![Puffy Face](https://i0.wp.com/mars.bde-supaero.fr/wp-content/uploads/2024/03/Article1_img_1.png?fit=630%2C376&ssl=1)
- Le déconditionnement cardio-vasculaire
Un cœur qui a besoin de battre deux fois n’en battra pas trois… et cela, le corps l’a bien compris : en s’adaptant aux conditions spatiales, le corps se régule afin de dépenser le moins d’énergie possible. Ces adaptations couplées à la diminution des activités physiques (n’oublions pas que les astronautes dans la Station Spatiale Internationale vivent dans un espace clos et étroit) engendrent notamment des intolérances orthostatiques. Un bien grand mot pour décrire cette terrible sensation d’évanouissement lorsque vous vous levez trop vite de votre lit… Peut-être avez-vous vu cette vidéo de l’astronaute Heidemarie Stefahyshyn-Piper qui ne pouvait s’empêcher de s’évanouir à son retour sur Terre ? Mais cela n’est pas uniquement lié à ce déconditionnement, on peut également évoquer l’atrophie musculaire et la fragilisation des os.
- L’atrophie musculaire et les os fragiles
Les marathonien et nageurs vous expliqueront avec conviction les effets de leur sport sur leur corps : les micro-choc créés lors de la course à pied aident au renforcement des os en les rendant plus solides. La nage, elle, est bien connue pour les personnes qui souffrent de douleurs liées aux chocs : un sport sans traumatismes, semblable aux conditions spatiales. Dans l’espace, en raison du manque d’activité physique et de microtraumatismes, les muscles s’atrophient et les os deviennent poreux (ils sont pleins de trous). Le calcaire de ces derniers est évacué dans les urines peuvent s’agglomérer en caillots dans la vessie et causer de terribles douleurs aux astronautes. Quant aux muscles, eux, ils entrent en phase d’hibernation : rendus de moins en moins utiles, ils se mettent au repos et perdent en volume ! Ce phénomène est extrêmement visible dans les muscles des jambes, ce qui donne l’effet « Chicken Legs ».
![](https://i0.wp.com/mars.bde-supaero.fr/wp-content/uploads/2024/03/2.jpg?fit=1307%2C867&ssl=1)
Evidemment, nous ne pouvons pas laisser nos pauvres astronautes se liquéfier, là-haut, et des contre-mesures sont mises en place : vous êtes-vous déjà demandé comment fait-on du sport dans l’ISS* ? Cette question n’est pas absurde, tous les férus de salle de sport savent qu’une grande partie de leur entraînement repose sur la charge (le poids) qu’ils arriveront à soulever… Mais en micro-gravité ? Un altère de 10kg aura le même effet sur vous qu’une salle de sport entière. Alors, le remède est le suivant : Les astronautes s’attachent, et utilisent des ressorts ou des plaques articulées avec des résistances mécaniques !
![Article1_img_3](https://i0.wp.com/mars.bde-supaero.fr/wp-content/uploads/2024/03/Article1_img_3-2.png?fit=1911%2C843&ssl=1)
Parmi tous les problèmes liés à la microgravité, nous pouvons également citer les modifications neurosensorielles. Elles induisent une modification de la proprioception, notre faculté à nous repérer dans l’espace, ou une modification dans la compréhension de nos sensations. Cela crée de la fatigue, une diminution de l’appétit ou des nausées. Mais comparé aux précédents effets cités qui ont pour point commun de ne faire qu’empirer, celui-ci se résorbe au bout de 2 ou 3 jours pour 70 à 80% des astronautes. Cet effet se reproduit au retour sur Terre !
La microgravité n’est pas le seul effet notable de l’immersion dans l’espace. Également très connues, mais sujettes à beaucoup de mythes, les radiations sont un ennemi notable de l’être humain. Ici, on ne parle pas des radiations liées à la bombe atomique, ou à celles que l’on retrouve dans les IRM : on parle des radiations qui viennent tout droit du Soleil. Notre étoile qui nous fait tant de bien sur Terre devient une vicieuse meurtrière dans l’espace. En effet, sur Terre, ce sont les différentes couches de l’atmosphère et le champ magnétique qui, en absorbant les radiations du Soleil ou en les déviant nous offrent une protection d’une qualité sans pareille dans le système solaire. Que se passe-t-il lorsque l’on en sort, comme les astronautes dans l’ISS ? Ils se prennent les radiations de plein fouet !
Fort heureusement, toutes les radiations ne sont pas problématiques pour la santé, et les principales concernées sont les radiations dites « ionisantes ». Ces radiations prennent la forme de particules qui sont tellement chargées qu’elles sont capables de modifier la matière. La matière est composée d’une infinité d’atomes, et chaque atome est composé d’un noyau autour duquel orbitent des électrons, un peu comme la Lune orbite autour de la Terre. Ces radiations sont donc capables d’expulser un électron orbitant tranquillement autour des son noyau. Leur principal effet est qu’elles sont capables de transpercer certaines substances, telles que la peau, et de les abimer. Il existe également des radiations que l’on nomme « secondaires » : elles résultent de l’interaction des radiations avec de la matière, comme les parois de l’ISS.
![](https://i0.wp.com/mars.bde-supaero.fr/wp-content/uploads/2024/03/4.jpg?fit=906%2C473&ssl=1)
On peut s’en protéger en choisissant de manière éclairée quels matériaux utiliser pour protéger les astronautes, permettant d’absorber certains types de radiation. On utilise alors la technique du « mille-feuilles » (ou du sandwich) qui consiste à superposer plusieurs couches de différents matériaux, et de différentes épaisseurs ! Les agences spatiales ont des standards permettant de réguler la dose de radiations maximale « acceptable » pour un astronaute, dépendant de son âge lors de la première exposition et du genre de la personne. La raison de la différence entre hommes et femme est liée à la protection de certains organes féminins tels que l’utérus ou les seins, qui ont la possibilité de multiplier très rapidement les cellules mutées par les radiations, et donc ont plus de chances de développer des cancers rapides…
![](https://i0.wp.com/mars.bde-supaero.fr/wp-content/uploads/2024/03/5.png?fit=820%2C647&ssl=1)
Peut-être vous demanderez-vous pourquoi la quantité maximale de radiations augmente avec l’âge de la première exposition à celles-ci ? Alors que l’on aurait tendance à penser qu’un corps âgé serait beaucoup plus sensible, la logique est toute autre : plus l’on vieillit, moins il nous reste de temps à vivre et donc, par extension, de temps pour développer un cancer !
ANNEXES :
![](https://i0.wp.com/mars.bde-supaero.fr/wp-content/uploads/2024/03/6.png?fit=730%2C491&ssl=1)
NOTES :
*ISS : International Space Station
SOURCES : cours de Space Medicine de Laure Boyer, Claire Laurens, et Anne Pavy-Le Traon.