Sol 18 – Quand l’exploration spatiale invite la philosophie à sa table
« “Il est bon de renouveler son émerveillement”, dit le philosophe. “Le vol spatial a fait de nous des enfants à nouveau. ” »
Les Chroniques Martiennes, Ray Bradbury
« Alexandre pour le Hab, je suis arrivé à l’Observatoire. »
Quand j’ai entendu ce message à la radio ce matin, je l’ai instantanément noté sur mon carnet, pour la simple raison que j’étais heureuse pour Alexandre. Le Soleil brillait, il allait pouvoir passer du temps à l’observatoire solaire pour enregistrer des images de notre étoile, et planifier ses observations nocturnes.
J’étais également heureuse pour Alice et Quentin. Le Soleil brillait, les collines martiennes séchaient : de bon augure pour l’EVA de demain. Puisque l’EVA d’exploration utilisant la carte 3D avait été reportée au Sol 20, Jérémy, Quentin et Alexandre chercheront demain les balises en utilisant la carte 2D.
J’ai commencé à préparer le déjeuner tandis que Jérémy et Corentin « dépouillaient » les résultats de l’analyse Sociomapping réalisée sur la première moitié de la mission. Cette technique permet de littéralement « cartographier » les relations entre les différents membres d’équipage. Grâce à une série de questionnaires auxquels nous répondons plusieurs fois par semaine, une carte est générée par Sociomapping, illustrant comment l’équipage s’organise et comment ses membres communiquent entre eux.

Tandis qu’Alexandre et Jérémy préparaient leurs notes, mémorisant les chemins et les caches des balises pour l’EVA de demain, Quentin fit une découverte : le récepteur de station météo n’avait pas besoin d’être placé à l’extérieur, dans le froid et la pluie ! Placé près du hublot central du Hab, il peut « recevoir » les transmissions des instruments.
Rassemblés autour de la table du Hab pour déjeuner, alors que nous relisions quelques questions envoyées par des journalistes sur notre mission et l’exploration de Mars, le débat s’est très vite lancé : Pourquoi aller dans l’espace ? Pourquoi explorer Mars ? Beaucoup de réponses différentes en sont ressorties. Nombre d’entre nous évoquèrent la science : par exemple, faire bon usage des orbites basses peut aider à apporter des solutions à la crise climatique, étudier Mars nous aide à mieux comprendre la Terre. Même la pure curiosité scientifique peut être motivante. Mais certains membres d’équipage ont évoqué une raison plus difficile à justifier, abstraite mais viscérale, même philosophique : le désir d’exploration. C’est pourquoi j’ai choisi de faire entorse à mon habitude en choisissant cette citation, en lieu et place du traditionnel extrait de chronique :
« “Il est bon de renouveler son émerveillement”, dit le philosophe. “Le vol spatial a fait de nous des enfants à nouveau. ” »

Marie Delaroche