11 Mars 2020
Sol 10 : À garder pour les jours de pluie
Aujourd’hui, nous nous sommes réveillés avec le bruit de la pluie frappant doucement le toit du Hab. N’importe quel autre jour, l’idée de passer une journée entre amis, au chaud à l’intérieur, à regarder tomber la pluie par la fenêtre, peut sembler agréable. Ca l’est beaucoup moins quand on n’a pas nécessairement l’opportunité de sortir, même quand il fait beau. Et ça l’est encore moins quand on se voit obligés de sortir, sans savoir comment maximiser notre sûreté. La science n’attend pas les éclaircies, et au moins deux personnes doivent partir en EVA pour s’assurer que tout va bien.
Le ciel peut être cruel. Les explorateurs martiens auront la chance d’éviter la pluie, mais deveront peut-être endurer des immenses tempêtes de sable. Pas le genre qui fait tomber la fusée de Matt Damon (le film exagère un peu), mais assez vastes pour couvrir une belle partie de la planète, et capables de causer des dysfonctionnements électriques et des pertes d’électricité. L’autre grand danger vient d’encore plus loin. Avec une mince atmosphère et aucun champ magnétique, Mars est particulièrement vulnérable face aux vents solaires et les radiations intenses des éruptions solaires.
C’est ironique d’écrire un rapport sur le travail de notre astronome un matin nuageux. Florian a heureusement eu la chance de faire un travail fantastique pendant que le ciel était clair, et a toujours de quoi faire quand il n’observe pas directement le ciel. L’astronomie n’est pas que pointer un télescope vers le ciel. Pendant la journée, le soleil doit être suivi et observé. Les observations nocturnes via le téléscope contrôlé à distance doivent être planifiées, avec les calibrations nécessaires que cela inclut. Et une fois les observations faites, il y a une grande quantité de traitement d’image à faire pour créer une belle photo ou une où les données peuvent êtres extraites. En plus de l’astrophotographie, Florian observe 30 galaxies en quête de supernovae : des explosions d’étoiles massives incroyablement puissantes, mais très brèves et extrêmement rares.
Les choses semblaient s’améliorer : avoir une matinée relativement libre nous a permis de cuisiner des délicieux hamburgers, on a vu que des tomates poussaient enfin dans la serre, et le ciel est devenu bleu juste assez longtemps pour passer à l’observatoire et observer le soleil. Les choses commençaient à s’améliorer, puis elle ne s’amélioraient plus trop.
« Ici Shannon, est-ce que vous êtes tous ensembles actuellement ? », interpella la Directrice de Station par radio. C’est inattendu, comme on nous laisse habituellement seuls toute la journée. Par coincidence, nous lisions notre mail quotidien des étudiants de Supaéro sur terre, cette fois-ci concentré sur l’épidémie de coronavirus.
« L’Organisation Mondiale de la Santé a récemment classifié le COVID-19 comme une pandémie »
C’est plus une épidémie du coup, j’imagine. La terre tourne vite sans nous. Quand nous avions coupé nos communications, l’état de l’Italie semblait plutôt inquiétant, mais tout avait l’air assez bien chez nous. Récemmet, il s’avère que tous les évènements ont l’air annulés, et on est bien partis pour une quarantaine au retour.
La bonne nouvelle, c’est qu’on est sûrement les êtres humains les plus en sécurité actuellement. La mauvaise, c’est que tous nos plans sont partis dans le chaos. Il n’y aura pas d’équipage après nous, et plus personne ne veut repartir à Los Angeles. Nous avons commencé notre journée avec les yeux portés vers le ciel, et la terminons en regardant la Terre. Nous portons notre attention à ceux chez nous, et espérons qu’il sont en aussi bonne santé que nous.
Auteur : Clément Plagne, Journaliste