12 Mars 2020
Sol 11: La vie continue
À la suite des nouvelles d’hier, c’était non seulement compliqué de bien dormir, mais aussi difficile de passer la journée sans regarder nos ordinateurs, accrochés à chaque email et bout d’information qu’on pouvait trouver. On a un peu d’internet dans la Station, mais très limité, pas si fiable, et réservé en priorité à la fenêtre de communications le soir, pour envoyer tous nos rapports importants au support de mission. Donc on fait avec ce qu’on a : les quelques emails d’amis et de la famille sur Terre, et quelques articles sur internet. On ne pensait plus vraiment à nos emails en dehors de cette fenêtre de comms, et on se sentait franchement rafraîchis de ne pas être inondés d’informations venant de partout. Maintenant, deux semaines d’isolement nous pèsent dessus, et nous nous sommes rapprochées de la Terre seulement pour la trouver blessée, malade et confuse. Nous partons dans deux jours, et on sait que l’on retrouvera notre monde différent que quand nous l’avons quitté.
On ne sait pas vraiment si on a de la chance d’être ici ou pas, sachant ce qu’il y a ailleurs. D’un côté nous sommes en sécurité, et être déconnecté du monde nous permet de prendre du recul pour tout intégrer, au lieu de tout recevoir de face. De l’autre côté, il y a tellement de choses que l’on ne sait pas, que l’on ne peut pas facilement savoir, et la distance peut vite être source de stress. La sécurité n’est pas aussi importante que d’être avec ses proches, et c’est d’autant plus difficile de savoir que nous nous pouvons pas interrompre la mission en cours.
Un des livres qui ont tourné dans le Hab pendant la mission était l’excellent « An Astronaut’s Guide to Life on Earth », de Chris Hadfield. Dans ce livre, il explique qu’il n’a pas peur pendant ses missions, peu importe le danger. Il a travaillé dur pour s’assurer qu’il pouvait réparer tout ce qui pouvait être réparable en cas d’erreur, et tout n’est plus que procédure. Nous ne sommes pas des astronautes, et ne sommes pas aussi entraînés pour une mission comme celle-ci, mais nous savions ce qui était possible, nous étions prêts à l’accepter, et maintenant que les choses ne se passent pas comme prévu, on continue à avancer. Il y a très peu que l’on puisse faire, donc on fait ces choses là en attendant de pouvoir faire plus. La mission tire à sa fin et nous sommes occupés à tout ranger et à finir ce qui était commencé. Trouver de quoi faire est un bonus pour penser à autre chose.
On continue à vivre nos journées, et la routine nous donne la cadence. Dans notre temps libre, des jeux, des films, ainsi que les excercices de pensée positive et de relaxation de Blandine font un travail fantastique pour oublier les soucis. Dans peu de temps nous serons de retour sur Terre, avec beaucoup de nouvelles à rattraper et beaucoup de plans à changer. On a passé deux semaines à se débrouiller dans un lieu inhabituel. On peut le refaire.
Auteur: Clément Plagne, Journaliste