J’ai eu la chance de faire partie de l’EVA d’aujourd’hui, et c’était profondément intéressant de la vivre de l’intérieur. En fait, cela sera sans doute l’une des premières choses que l’humain fera sur Mars : approfondir la connaissance sur la géologie Martienne, aller plus loin que le travail réalisé par les rovers actuels. Bien sûr, ils sont efficaces et produisent des bonnes analyses, mais une action humaine serait très probablement plus précise et plus efficace. En premier lieu car vous n’êtes plus contraint à contrôler un appareil à des millions de kilomètres de distance. De même, dans un domaine aussi spécifique que la géologie, un des meilleurs avantages d’être un humain en chair et en os sur Mars est la capacité d’adaptation, et de pouvoir voir ce que les machines ne voient pas. Cette expérience est donc centrée sur l’aspect opérationnel de mener une telle étude dans un contexte dangereux tel qu’une sortie extravéhiculaire.
Léa dirigeait les opérations, Mathéo, Valentine et moi-même étions là en tant que support et par moments opérateurs. Nous sommes allés au « Stream Bed Connector » (un peu plus loin que lors de la dernière sortie pour la géologie). Marine et Léa ont choisi cet endroit pour documenter une transition d’ères géologiques, entre le Crétacé et le Jurassique. Ici nous sommes au milieu d’une plaque tectonique, ce qui permet d’observer des traces de transition très bien conservées : un terrain parfait pour s’entrainer ! Il y a de nombreux affleurements exploitables, sur leur bas on y trouve les couches les plus anciennes, sur le haut les plus récentes.
EVA à « Stream Bed Connector »
Et ce qui m’a le plus marqué fût le questionnement quasi permanent qui a animé le groupe de 4 martionautes durant la sortie. Devrions-nous aller par ici ? Devrions-nous aller aussi loin ? Devrions-nous prendre de l’altitude pour avoir une meilleure vue sur l’affleurement, malgré le fait que nos combinaisons rendent nos mouvements parfois incertains et énergétiquement coûteux ? Devrions-nous prendre ce risque pour produire des données potentiellement « révolutionnaires » ?
C’est là où la simulation nous apprend beaucoup de choses, et s’avère très utile pour les futurs ingénieurs en aérospatial que nous deviendrons peut-être. La règle première ici, est de toujours placer la SECURITE avant la science, avant le confort, avant n’importe quoi… Rendez-vous compte : nous sommes sur Mars, une petite déviance sur Terre peut signifier un énorme problème ici ! Et après avoir séjourné dans la MDRS depuis plus d’une semaine et demi, je peux vous assurer que nous avons appris beaucoup de choses, et nos précautions avant de quitter le sas se sont multipliées les jours passants. Par exemple, un de nos fardeaux est la perte de communication. Plusieurs fois, nous avons dû écourter des sorties à cause d’une oreillette qui s’est légèrement enlevé de notre oreille, et a compliqué la communication (dans ce cas, il nous est impossible de mettre les mains dans le scaphandre pour la replacer…) : le ruban adhésif est devenu notre meilleur ami. On se repose aussi beaucoup sur l’aide apportée par le drone PARROT piloté par Mathéo, qui nous permet de faire des repérages, et d’optimiser nos déplacements. Sur le terrain, les précautions sont omniprésentes même si cela peut créer de la frustration chez certains (moi le premier !), c’est le jeu, il faut jouer dans les règles ! Nous sommes sur Mars, essayez de survivre avant de jouer les apprentis sorciers !
Le drone PARROT, un outil indispensable en EVA
Chaque fois que nous sommes de retour dans le sas, que l’EVA se soit bien passée ou non, nous avons des nouvelles idées sur comment faciliter la prochaine sortie, et c’est pour cela qu’on aime ça, pour ça qu’on est là.
Pour le reste de la journée, l’équipage s’est principalement concentré sur des expériences de facteurs humains. Ce n’est pas toujours un plaisir mais on ne lâche rien !