Sol 10 – Les Hauts de Hurlevent, et l’averse s’approchant
« Les fusées arrivaient en nombre, telle une nuée de criquets se posant dans un nuage de fumée rose. »
Chronique n°10 des Chroniques Martiennes by Ray Bradbury
En ce dixième Sol, les vents n’ont pas cessé de hurler… Mars a encore frappé en nous envoyant la pluie tant redoutée. Elle tomba au milieu de la nuit, et, combinée au vent, elle réveilla notre ingénieur de bord, seul membre de l’équipage à dormir dans la mezzanine à l’étage du Hab. « Les vents martiens soufflaient si fort que j’ai cru que le toit du Hab allait être arraché. C’était extrêmement bruyant, et instinctivement j’ai décidé de descendre dormir sur le pouf à l’étage du Hab. »
Le matin, une seule question nous taraudait : allions nous pouvoir sortir en EVA pour récupérer le LOAC, qui risquait d’avoir été endommagé par la pluie, et pour effectuer notre deuxième sortie de photogrammétrie ? Pendant le petit déjeuner, nous étions soulagés : Mission Support nous donnait l’autorisation de sortir pour récupérer le LOAC et vérifier l’état des instruments atmosphériques, mais également pour nous diriger vers North Ridge et effectuer l’EVA d’exploration à l’aide de la carte 2D. Ce serait donc ma première sortie extravéhiculaire en tant que « EVA Leader ».
En arrivant sur le site de MegaAres, nous avons contacté HabCom pour annoncer que la station météo ainsi que le LOAC avaient été renversés par le vent, malgré les précautions prises lors de leur installation. Le capteur PurpleAir s’est également détaché du mât de la station, et de la boue s’est infiltrée dans le port de carte SD. Nous avons décidé sur le moment de rapatrier cet instrument ainsi que le LOAC, qui est toujours opérationnel ! Le mât de MegaAres est également toujours debout; d’après HabCom, des cris de victoire ont éclaté lorsque j’ai fait passer l’information.
Nous nous sommes ensuite dirigés vers North Ridge pour commencer la deuxième phase de l’expérience de photogrammétrie. Il s’agissait d’explorer à l’aide d’une seule carte en deux dimensions un site déjà repéré par une précédente expédition. En arrivant sur site, nous avons remarqué que les vents étaient bien plus forts, accélérant par effet Venturi entre les parois rocheuses. Les communications risquaient d’être compromises : le bruit du vent résonnait dans nos casques et étouffait nos conversations. Le contact radio avec HabCom était également très aléatoire, à cause du relief escarpé. Après une quarantaine de minutes sur place, ayant trouvé 3 des 6 balises positionnées par l’équipage précédent, le vent était devenu si fort que nous commencions à perdre l’équilibre et à être pris par le froid. Nous avons temporairement trouvé refuge, et après avoir tenté de recontacter le Hab, j’ai décidé de mettre fin à l’EVA et de rentrer au Hab pour la sécurité de l’équipage. Je note qu’enlever sa combinaison spatiale et se blottir près du chauffage du Lower Deck après une sortie éprouvante est le meilleur sentiment qui soit !
Après avoir débriefé et bu du thé parfumé à la menthe fraîchement cueillie dans la serre, nous avons passé un bon moment en restant un peu à table pour simplement discuter et débattre entre nous de sujets plus « Terriens ».
En début d’après-midi, le vent n’avait pas faibli, compromettant définitivement nos chances d’effectuer la deuxième sortie du jour pour réinstaller l’antenne MegaAres, réparée par Alexandre. Le bruit du vent résonnant comme du tonnerre dans le Hab devenait presque enivrant alors que j’avais pris mes quartiers à l’étage pour travailler.
Quelques nouvelles du GreenHab: le système d’aquaponie fonctionne parfaitement, tous les poissons sont vivants et en bonne santé, et les plantes poussent très rapidement. Adrien teste quotidiennement la qualité de l’eau, vérifiant tous les paramètres : acidité, concentration en nitrates et en dioxygène, etc.
Quentin est également fier d’annoncer que tous les capteurs environnementaux ont été déployés dans la station et sont opérationnels !
Ils fourniront des données supplémentaires aux chercheurs encadrant nos expériences de facteurs humains et seront utilisés pour tester une intelligence artificielle développée par le CNES, SPooN et des étudiants de l’ISAE-Supaero. AI4U, dont les protocoles ont commencé à être testés par Alexandre, est une intelligence artificielle conçue pour assister les astronautes dans leurs tâches. Elle sera utilisée en particulier pour nous assister lors de simulations de protocoles d’urgence durant la deuxième partie de la mission.
Alors que tous les membres d'équipage étaient rassemblés autour de la table pour préparer la fenêtre de communication, nous avons ri en imaginant ce que Mars pourrait encore nous infliger… cette planète malicieuse nous réserve décidément bien des surprises !
Marie Delaroche