
Bonjour à toutes et à tous, j’espère que vous allez bien en ce Sol 11 (et oui, déjà). Ici tout va très bien, la mission bat son plein. Une légère nostalgie de la Terre se fait ressentir chez certains mais rien de bien méchant. Cette nostalgie est peut-être due au fait que nous sommes maintenant plus proches de la fin de la mission que de son début et que l’absence des proches se fait ressentir plus fortement chez certains que chez d’autres. Dans tous les cas, on se retrouve aujourd’hui pour un nouveau rapport et un nouvel épisode de « Interview avec ». Cette fois-ci nous allons interviewer François, notre Ingénieur de bord dont je vous ai déjà parlé de manière élogieuse dans de précédents rapports.
Pour sa deuxième fois en tant que EVA leader aujourd’hui, Julie prit hier la décision d’explorer une mystérieuse région des alentours de la station. Elle se trouve loin au nord et porte le nom énigmatique de : Special Region. Même sur notre carte, la zone est partiellement cachée par de fines hachures rouges qui lui donnent un aspect interdit. Mes coéquipiers ont décidé d’y aller afin de découvrir ce qui s’y cachait avec en tête, l’idée de revenir demain pour cartographier la zone avec le drone si nécessaire.
Nos explorateurs s’approchèrent autant que possible par la route avec les rovers. Puis ils grimpèrent sur une immense crête et furent émerveillés par la vue qui les attendait là-haut. D’un côté se trouvait un canyon étroit qui serait un candidat tout désigné pour de la cartographie par drone. De l’autre s’étendaient, à perte de vue, les collines aux magnifiques nuances rouges caractéristiques de Mars. Ils descendirent de leur promontoire et s’aventurèrent dans les ramifications étroites du canyon. J’ai hâte d’y aller à mon tour demain pour cartographier la zone, grimper en haut de cette crête et admirer la vue de mes propres yeux.
Pendant ce temps, Marion et moi sommes restés au Hab et nous sommes passés sur l’expérience TELEOP. Je commence à aimer téléopérer ce rover lunaire : se rendre dans une zone, collecter un échantillon, le ramener à l’alunisseur pour le faire analyser. C’est presque comme un jeu vidéo. C’est sans conteste plus amusant que le « test des formes » de l’expérience de l’Université de Lorraine. Mais ces deux expériences de facteurs humain sont toutes deux très intéressantes sur le plan scientifique.
En parlant du « test des formes », ceux qui furent épargnés hier n’y échappèrent pas aujourd’hui. Je dois dire que c’est assez amusant de les voir entrer dans leur chambre pour le test, plein de joie de vivre puis en ressortir lessivés par la tâche. Je n’exagère presque pas (d’accord peut-être un peu), dans l’état de fatigue dans lequel nous nous trouvons en cette fin de semaine, c’est de la torture de rester concentré aussi longtemps d’affilé. Mais plus personne ne passera avant la semaine prochaine, un vrai week-end nous attend !
Comme sur Mars, une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, Julie a eu une jolie surprise en entrant dans le GreenHab ce matin ! Les graines de soja qu’elle avait planté il y a quelques jours ont commencé à pousser et on peut d’ores et déjà voir une petite tête verte sortir de terre. C’était la première fois qu’elle plantait quoique ce soit de sa vie, je vous laisse imaginer son état d’excitation quand elle est rentrée au Hab pour nous le raconter ! Il y a peu, elle a également mis la Spiruline dans les bacs contenant les solutions préparées il y a de ça quelques jours. Souvenez-vous, dans ces bacs elle avait ajouté une solution d’urine traitée et stabilisée confiée par une startup française pour améliorer la croissance de la Spiruline. Si vous ne vous en rappeliez plus, pas de panique ! Nous parlerons plus en détail de cette expérience dans un épisode dédié de « Gros plan sur » qui arrive très bientôt !
Emouvante naissance du soja et culture de spiruline
Maxime, notre astronome, a trouvé le temps cet après-midi pour faire de l’astrophotographie. A partir d’observations d’un télescope au Nouveau-Mexique reçues cette nuit, il a créé une magnifique photo de M-42. M-42 est un objet que Maxime a choisi hier et demandé au télescope d’observer. Il aura très bientôt l’opportunité de vous expliquer bien mieux que moi en quoi consiste son rôle d’astronome dans le prochain épisode de « Interview avec ».

Nébuleuse d'Orion M-42
Mais aujourd’hui, c’est au tour de François de nous parler de son travail dans la station. Voici ce que nous nous sommes dit dans le RAM cet après-midi !
« -Bonjour François, comment vas-tu ?
-Très bien et toi Pierre ?
-Super merci ! François, pour ceux qui ne te connaissent pas encore, est-ce que tu veux bien te présenter rapidement ?
- J'ai 21 ans, je suis étudiant en ingénierie aérospatiale à l'ISAE-Supaero. Je fais actuellement un double diplôme en génie physique au KTH, une école d'ingénieurs à Stockholm. Dans mon cursus, j'ai aussi été amené à faire un stage à l'agence spatiale allemande (DLR) sur de l'optimisation de trajectoires de fusées. Et mis à part mon cursus, j'aime beaucoup faire de l'escalade et de l'alpinisme.
-Ok, merci beaucoup. François tu es donc notre ingénieur de bord, est-ce que tu veux bien nous expliquer en quoi consiste ce rôle ?
- Mon rôle se divise en 3 parties. La première consiste en une vérification quotidienne du bon fonctionnement de la station. Nous essayons de vivre le plus possible sur nos propres ressources ou du moins en circuit court ce qui implique d'avoir une confiance totale dans les appareils qui nous entourent. Je vérifie donc tous les jours le niveau de l'eau dans les réservoirs, la production d'électricité, le niveau de charge des combinaisons et des rovers, le remplissage des toilettes...
Ensuite, je dois régler tout ce qui fonctionne mal dans la station. Une mauvaise qualité de l'eau ou de l'air implique un changement de filtre... En ce moment, je travaille sur les batteries des combinaisons qui fonctionnent mal. J'ai accès au RAM (Repair and Assembly Module) où de nombreux appareils sont à ma disposition pour essayer de régler ces problèmes (multimètre, fer à souder...).
Enfin, j'aide les autres membres de l'équipage dans leurs expériences personnelles. J'ai notamment dû réparer une imprimante 3D avec Maxime pour son expérience, aider Julie à fabriquer un système de recyclage de l'eau...
-Et c’est quoi alors ta partie préférée ?
- Ma partie préférée est sans hésiter la dernière dont je viens de te parler, celle où j'aide les autres dans leurs expériences. La réparation de l'imprimante 3D est notamment un bon souvenir. Nous avons passé 2 jours avec Maxime à la démonter et la réparer, remplacer des pièces défectueuses et la voir de nouveau fonctionner a été très satisfaisant.
-Je me rappelle quand vous êtes revenus triomphants au Hab, vous aviez l’air tellement contents ! Et est-ce qu’il y a une partie que tu n’aimes pas ?
- La partie que j'aime le moins est peut-être la répétition de mes activités avec toutes les vérifications quotidiennes qui se répètent et surtout le vidage des toilettes. Cependant c'est nécessaire donc je le fais de bon cœur (et j'espère surtout que l'équipage me payera un burger en sortie de mission pour toutes les fois où j'ai vidé les toilettes). Je pense que le sentiment d'être utile à l'équipage et au bon déroulement de la mission est une motivation de plus en plus importante pour moi, au fur et à mesure que la mission avance. En effet au début de mission c'est l'excitation qui motive, réaliser de nouvelles tâches étant toujours prenant. Mais, plus la mission avance, plus il est important de se trouver une motivation durable pour les tâches quotidiennes.
-Tu as toute notre reconnaissance pour le travail que tu fais François et tu auras bien évidemment le droit à un burger à notre retour sur Terre ! Sur un tout autre sujet, pourquoi avoir choisi de participer à une mission MDRS ?
-J'ai choisi de participer à cette mission analogue pour m'approcher encore plus du monde de l'exploration spatiale. Pendant les 2 ans de préparation, j'ai été amené à discuter avec de nombreux chercheurs, me renseigner sur les vols habités et les missions d'explorations martiennes... Cela fut très bénéfique pour moi. Je pense aussi que cette mission est un bon moyen d'aider la recherche à notre niveau. Nous emmenons en effet des expériences de laboratoires en FH qui étudient notre évolution psychologique et physiologique pendant la mission. J'espère que les données récoltées seront pertinentes et les aideront dans leurs travaux.
-J’espère aussi ! François, merci beaucoup pour ton temps et pour cette interview très instructive j’ai passé un bon moment ! Et merci encore pour tout ce que tu fais tous les jours dans la station ! »
Voilà qui conclut l’interview de François, j’espère qu’elle vous a plu ! Rappelez-vous que le prochain épisode de « Interview avec » sera consacré à notre astronome Maxime alors ne le ratez pas !
