Bonjour à toutes et à tous ! Dans le rapport d’aujourd’hui nous allons discuter avec Maxime, notre astronome ! J’attendais cet épisode de « Interview avec » depuis longtemps, j’espère qu’il va vous plaire !
Mais avant, on reprend les bonnes habitudes. Je vais vous raconter ce qu’il s’est passé pendant ce Sol 14 sur Mars.
Aujourd’hui fût le premier jour de notre dernière semaine sur Mars. Pour être parfaitement honnête, aujourd’hui n’a pas été le jour le plus facile depuis le début de la mission. Ce jour marqua le retour des expériences de facteurs humains avec le maintenant bien connu « test des formes » (je vais bientôt arrêter d’en parler promis, mais pour l’instant ça fait du bien d’extérioriser). Mais il marqua également le retour d’un autre fléau, dont je ne vous avais pas encore parlé jusqu’à aujourd’hui : la routine. Je n’en avais pas encore parlé pour deux raisons :
- J’essaie autant que possible de rendre mes rapports distrayants à lire, donc parler des tâches quotidiennes et répétitives n’était pas ma priorité.
- Nous n’avons remarqué que très récemment les inconvénients de la routine.
Au début de la mission, la routine était la parfaite alliée. Elle nous a permis d’être efficaces dans la mise en place de toutes les expériences que nous avons emmenées. Chaque jour s’accompagnait de nouveaux objectifs excitants : première impression 3D, première cartographie par drones, installation du LOAC, première bassine d’eau recyclée, et tant d’autres dont je vous ai déjà parlé dans de précédents rapports. Maintenant que nos expériences ont toutes été lancées, notre travail consiste en grande partie en des tâches répétitives pour récolter les fruits de notre travail passé. Avec toute la fatigue accumulée pendant ce début de mission, il est parfois difficile de trouver la motivation nécessaire pour se mettre au travail et le besoin d’une sieste après une matinée d’EVA se fait de plus en plus ressentir. Mais ces moments de flottements signifient aussi que nous avons bien fait notre travail et que nous devenons plus efficaces de jour en jour.
Je dois préciser, au moins pour les familles qui lisent ce rapport, qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Je pense que ce moment de creux est assez normal après deux semaines de mission. Nous sommes toujours aussi motivés à mener cette mission à bien jusqu’au bout et toujours aussi excités par ce que nous vivons sur Mars.
Les EVAs par exemple, procurent toujours le même sentiment d’excitation qu’au Sol 0. Ce matin, nous sommes allés dans la zone des lunes, c’était la première fois pour Marion et moi qui étions restés au Hab la dernière fois. Ce qui nous a le plus marqué fût le changement soudain de paysage en à peine quelques minutes de rover. A un moment tu es sur Mars, entouré de dunes rouges et en un claquement de doigt tu te retrouves surplombant un cratère rempli de régolithe lunaire. Nous avons pu prendre de très belles images aériennes qui semblent totalement étrangères à celles que nous avions prises jusqu’à maintenant tant le paysage est différent. Voilà une bonne manière de casser la routine !
Changement de décor pour cette EVA
Des choses excitantes continuent d’arriver même à l’intérieur de la station où tout n’est pas que routine comme le début de ce rapport tendait à le suggérer. Julie a testé cette nuit son nouvel entonnoir dessiné puis imprimé en 3D par Maxime et François. Elle a pu, grâce à celui-ci, recycler pas moins de 10 fois plus d’eau qu’auparavant. C’est une très belle réussite qui va nous permettre de prendre des douches plus régulièrement ce qui rendra cette fin de mission plus agréable pour l’équipage. Merci à eux !
En parlant des exploits de Maxime, c’est l’heure de « Interview avec » ! Voyons ce que notre Astronome a à nous raconter !
« -Salut Maxime comment ça va ?
-Salut Pierre, ben écoute après 2 semaines de mission ça va très bien et toi ?
- Ça va très bien également, merci. Maxime, est-ce que tu veux bien commencer par te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?
-Bien-sûr, je m’appelle Maxime Jalabert, je suis en année de césure avant ma dernière année du cycle ingénieur de l’école d’ingénieurs ISAE-SUPAERO. Je suis passionné par le spatial depuis toujours, j’ai eu mon premier télescope vers l’âge de 6 ans et je passais mes soirées à observer les astres avec mon père. C’est sans doute ces moments qui m’ont donné envie d’être astronaute un jour. Au lycée j’étais un membre très impliqué du club astronomie et ce fut naturel pour moi de continuer dans les études supérieures. Donc après une Licence à l’université Paul Sabatier à Toulouse j’intègre l’ISAE-SUPAERO. J’ai eu l’occasion d’être président du club M.A.R.S qui envoie donc chaque année 7 étudiants de l’école dans la MDRS où nous nous trouvons. Dans le cadre d’un stage j’ai travaillé deux mois à la cité de l’espace en tant qu’animateur scientifique, l’an dernier j’ai pu concevoir un instrument de mesure de scintillation des étoiles et satellites à partir d’un télescope au Centre Spatial Universitaire de la Côte d’Azur. J’ai ensuite effectué un ERASMUS à l’Université de Stockholm où j’ai suivi des cours d’astrophysique et astronomie. Puis au prochain semestre je pars à l’Université de Yale travailler sur la propulsion spatiale. Comme tu le vois il était naturel pour moi de postuler pour participer à cette mission MDRS, plus particulièrement pour le rôle d’astronome.
-Wow, quel CV ! Maxime, tu es donc l’astronome de cet équipage, est-ce que tu peux nous expliquer en quoi consiste ton rôle ?
-Il faut savoir que la planète Mars est dépourvue d’une magnétosphère qui permet de dévier les particules chargées du Soleil à l’instar de la Terre. Mon rôle en tant qu’astronome est donc d’analyser l’activité Solaire afin de pouvoir planifier ou non les sorties extravéhiculaires car ces particules chargées sont létales pour nous les êtres humains. Le blindage de nos habitations permet de nous protéger mais nos combinaisons sont trop fines pour avoir une protection durable. Une activité forte du Soleil se traduit par la présence d’éruptions solaires visibles à la surface, mon rôle est donc de les analyser.
-Heureusement nous n’avons pas encore rencontré d’éruption solaire menaçant notre sécurité mais merci de veiller sur nous ! Maxime, tu as également un projet d’astrophotographie et un projet de recherche, est-ce que tu peux nous en dire plus ?
-Effectivement, quand je ne suis pas en sortie extravéhiculaire ou en train d’analyser le Soleil, je consacre mon temps à ces deux projets. Mon projet de recherche se concentre sur la recherche de supernovaes. La méthode est simple : pour une galaxie donnée je la photographie plusieurs fois à différents intervalles de temps, j’étudie ensuite l’évolution du flux lumineux de la galaxie et si celui-ci augmente je peux alors superposer les clichés afin de trouver la supernova. La méthode est simple mais avec une trentaine de galaxies étudiées la probabilité de trouver une supernovae en 3 semaines avoisine seulement les 2%. Mon projet d’astrophotographie consiste à prendre des clichés d’astres connus à l’image de certaines nébuleuses comme la nébuleuse d’Orion. Après traitement, je vais utiliser ces photos afin de faire de la vulgarisation scientifique notamment dans mon ancien lycée dans ma ville natale. Le but étant de transmettre ma fibre du spatial et pourquoi pas donner envie aux jeunes étudiants de poursuivre dans les études supérieures.
-Et lequel de ces deux beaux projets préfères-tu ?
-Je pense que je prends plus de plaisir à faire de l’astrophotographie. L’infiniment loin m’a toujours fasciné et j’éprouve encore un sentiment d’émerveillement en voyant les différents clichés pris à travers les télescopes. Puis le fait de retransmettre ce sentiment chez les personnes plus ou moins sensibles au spatial à travers ces clichés, je trouve cela très beau quelque part.
-Et sur un tout autre sujet Maxime, pourquoi avoir choisi de participer à cette mission MDRS ?
-Le premier rêve que j’ai eu étant enfant était de devenir astronaute et pour être honnête c’est toujours le cas. La mission MDRS était donc l’occasion de se mettre dans la peau d’un astronaute sur une certaine durée, le tout en faisant de la belle science. Je pense notamment à l’étude de facteurs humains dans un milieu hostile qu’est l’environnement martien. En plus de cela, on peut réaliser une bonne communication toujours dans la démarche de sensibiliser le public au monde du spatial.
-Je te souhaite de réaliser ton rêve Maxime, c’est un beau projet ! Ça fait maintenant deux semaines que nous vivons sur Mars, c’est quoi que tu préfères ici ?
-Les sorties extravéhiculaires sont sans doute ce que je préfère sur Mars. La préparation en amont de la sortie avec le rythme cardiaque qui augmente, la tension qui grandit lors de la mise en place des combinaisons spatiales et enfin l’accomplissement de l’ouverture du SAS de dépressurisation avec le désert rouge martien à perte de vue me procurent un sentiment très fort. Chaque EVA est une expérience unique à mes yeux.
-Et la Terre dans tout ça, elle te manque ?
-Evidemment qu’elle me manque mais on s’y est tous préparés je pense. Sur Terre j’ai la chance d’avoir accès à tout en très peu de temps, que ce soit la nourriture, où on prend la voiture ou on marche pour aller au supermarché. Si on a besoin d’une information, on sort notre téléphone et on la cherche sur internet. Sur Mars ce n’est pas possible, on fait avec ce que l’on a est l’air de rien c’est un sacré challenge quand on a eu la chance de vivre dans ce luxe sociétal. Je pense sincèrement avoir pris du recul sur ma vie de tous les jours sur Terre et je suis content d’avoir reçu cette sensibilité à notre société de surconsommation. Mais surtout, j’ai pour habitude de parler à ma famille plusieurs fois par semaine ainsi qu’à mes amis. Le fait d’être sans nouvelle de leur part n’est pas facile tous les jours mais c’est le jeu. J’ai vraiment hâte de les retrouver à la fin de la mission et leur raconter cette grande aventure.
-Maxime, cette interview touche à sa fin. Merci beaucoup pour ton temps et pour ces explications très intéressantes sur ton rôle d’astronome. Ça faisait longtemps que j’avais envie de t’interviewer et j’ai passé un très bon moment !»
C’est tout pour l’épisode d’aujourd’hui, j’espère qu’il vous a plu ! Le prochain épisode sera « Interview avec : Le Journaliste ». Je ne sais pas encore exactement comment faire pour m’interviewer moi même mais nous allons trouver une solution avec l’équipage. Continuez de nous suivre si vous ne voulez pas rater ce prochain épisode !