Bonjour à toutes et à tous et bienvenu dans ce nouvel épisode de « Gros plan sur » ! Dans l’épisode d’aujourd’hui nous allons parler de mon expérience de cartographie 3D par drones avec Marion, notre crew scientist.
Mais avant, comme toujours, nous allons voir ensemble ce qu’il s’est passé lors de ce Sol 17 sur Mars.

Aujourd’hui était notre dernier jour complet sur Mars. Demain, dans l’après-midi, nous rentrerons sur Terre. Nous aurons la fin d’après-midi de libre pour envoyer des messages à nos familles et à nos amis et découvrir ce qu’il s’est passé sur Terre pendant notre mission sur Mars. Ensuite nous dégusterons les burgers que nous attendions depuis la première semaine de cette mission avec Atila, le directeur adjoint de la MDRS. Nous sommes tous très excités à l’idée de rentrer sur Terre et en même temps nous commençons doucement à réaliser que la planète rouge va nous manquer. Mais ceci sera un des sujets que nous aborderons dans le rapport de demain.
Cet après-midi nous avons continué à filmer toutes les prises dont nous aurons besoin pour monter les futures vidéos qui sortiront sur notre chaîne YouTube. C’est assez chronophage mais c’est notre dernière chance de prendre des images sur Mars alors nous nous devons d’être efficaces.
La mission n’est pas encore finie et certains d’entre nous sont passés sur TELEOP et sur l’expérience de l’Université de Lorraine. Ce fût, comme vous vous en doutez, un plaisir. Le pire, c’est que ça n’était même pas la dernière fois. Nous allons repasser sur ces expériences après la mission tout comme nous l’avions fait avant la mission. Les données d’avant et après mission sont très importantes afin de pouvoir comparer les résultats.
Ce matin, nous avons effectué une EVA pour mon expérience de cartographie 3D par drones. Nous sommes allés dans la partie Nord du Hab Ridge que nous avions déjà cartographiée lors d’une précédente EVA. Marion et François ont essayé de suivre l’itinéraire qu’ils avaient préparé avant de partir. Demain ça sera aux autres membres de l’équipage de faire de même pour leur dernière EVA sur Mars.




En parlant de cette expérience, il est l’heure de passer à l’épisode d’aujourd’hui de « Gros plan sur » ! Cette fois, c’est Marion, notre crew scientist, qui posera les questions.
« -Salut Pierre ! Pour commencer, pourquoi les drones ?
-Salut Marion ! Récemment, la NASA a envoyé Ingenuity, un hélicoptère, sur Mars et a réussi à le faire voler. Ce n’était absolument pas gagné d’avance car l’atmosphère sur Mars est environ 1000 fois moins dense que sur Terre ce qui rend le vol difficile pour un hélicoptère qui doit s’affranchir de la gravité Martienne qui s’élève quand même à environ 30% de celle de la Terre. Grâce à cette belle réussite, nous savons maintenant que les drones peuvent voler sur Mars et j’ai donc trouvé intéressant de questionner leur potentielle utilité et d’explorer un cas d’application.
-Très bien ! Ces drones ont été construit par l’entreprise Parrot, est-ce-que tu veux nous en dire un peu plus sur eux ?
-Avec plaisir ! Parrot est un constructeur de drones français. Ils ont accepté de soutenir notre mission et nous ont prêté deux drones de leur gamme ANAFI. Personnellement, j’adore leurs drones, ils sont très faciles à prendre en main et je suis émerveillé par leur stabilité à chaque fois que je les fais voler.
-Quelle est l’idée générale derrière cette expérience ? Qu’est-ce-que tu espères pouvoir montrer ?
-L’idée est de questionner la potentielle utilité des drones pour l’exploration humaine de Mars.
Les drones Parrot offrent la possibilité de créer une carte 3D d’une zone très facilement. Il suffit de définir la zone à quadriller sur l’application Pix4DCapture qui envoie ensuite un plan de vol et les coordonnées des points où prendre des photos au drone. Il suffit ensuite d’importer ces photos sur le logiciel Pix4DMapper qui génère une carte 3D d’une grande précision.
J’ai pensé que cette fonctionnalité pourrait s’avérer utile pour les futurs marsonautes pour mieux planifier leurs EVAs (ou sorties extra véhiculaires). Je crois qu’il est important pour les marsonautes de prendre le moins de risques possible et d’éviter de dépenser de l’énergie inutilement pendant les EVAs et je pense que les drones peuvent les aider à trouver l’itinéraire qui respecte le mieux ces contraintes.
J’espère pouvoir montrer qu’utiliser une carte 3D pendant la préparation de l’EVA et le dessin de l’itinéraire rend les EVAs moins dangereuses, moins stressantes et/ou moins fatigantes pour mes coéquipiers.
-Creusons un peu dans cette direction ; quel est le protocole ? Comment tu comptes faire pour vérifier ton hypothèse ?
-Avant toute chose, on réalise une première EVA afin d’aller cartographier une zone que j’ai repéré sur la carte et que je pense intéressante. Ensuite je génère la carte 3D sur mon ordinateur. Grâce à cette carte 3D, je défini un parcours constitué de checkpoints que devront réaliser mes coéquipiers chacun leur tour.
Je créé ensuite aléatoirement 2 groupes parmi les membres de l’équipage : le groupe de contrôle et le groupe de traitement. Chaque membre de l'équipage a 15 minutes pour tracer un itinéraire sur sa carte. Cet itinéraire doit leur permettre de relier tous les points du parcours que j'ai dessiné. La différence entre les 2 groupes est que le groupe de traitement peut s'aider pendant ces 15 minutes de la carte 3D générée sur mon ordinateur pour tracer son itinéraire. Les personnes se trouvant dans le groupe de contrôle n’ont accès qu’à la carte 2D classique de la MDRS.
Ensuite chaque membre de l'équipage réalise le parcours chacun son tour. L’objectif pour eux est de suivre le plus précisément possible l’itinéraire qu’ils ont tracé sans se mettre en danger. Pendant leur passage, je les suis de loin et sans leur parler afin de ne pas influer sur leurs décisions. Les autres ne doivent pas regarder pour éviter tout biais.
Au retour de l’EVA, ils répondent à un questionnaire pour évaluer le niveau de confiance qu'ils ont eu en leur tracé, leur niveau de stress et leur état de fatigue. En plus de ce questionnaire, je récupère également les données de leur montre connectée : Battement par minutes (BPM) et coordonnées GPS. Les BPM me permettent d’avoir une mesure du stress qu’ils ont ressenti et des efforts qu’ils ont accomplis pour relier tous les points du parcours. Les coordonnées GPS permettent de savoir par où ils sont réellement passés et à quel point ils ont respecté leur itinéraire prévu.
Grâce à ces données, nous espérons pouvoir montrer que les personnes ayant eu accès à la carte 3D pendant leur préparation se sont moins mis en danger et se sont moins fatigués inutilement.
Pour l’instant nous avons répété ce protocole deux fois dans deux zones différentes : à North Ridge et au Hab Ridge (aujourd’hui et demain). J’analyserai ces données en rentrant sur Terre et nous saurons alors si les drones peuvent potentiellement s’avérer utiles pour l’exploration humaine de Mars !
-Merci pour ces explications sur ton expérience Pierre ! Je suis personnellement très intéressée par les résultats de cette expérience et je suis convaincue que cette expérience est pertinente pour les futures missions habitées vers Mars. »
C’est tout pour ce dernier épisode de « Gros plan sur », j’espère qu’il vous a plu ! J’espère plus largement que ce format vous a plu et que vous avez appris des choses. Comme je l’ai déjà dit, des vidéos de « Gros plan sur » sortiront à notre retour sur Terre sur notre chaîne YouTube. Ces vidéos seront également accessibles via notre site web alors continuez de nous suivre pour ne pas les rater !
