Vivre dans cette station devient plus agréable de jour en jour. Certaines routines sont déjà bien ancrées dans nos journées, comme par exemple le réveil à 6:45 suivi du sport à 7:00 le matin. La journée, chaque personne sait ce qu’elle a à faire et comment le faire. On s’habitue également peu à peu à la nourriture déshydratée et à économiser l’eau (nous parlerons plus amplement de la thématique de l’eau sur Mars dans le rapport de demain). On se sent de plus en plus comme un véritable équipage Martien et pour être honnête, c’est plaisant.
Ce matin, à 9:00, une équipe de quatre valeureux membres d’équipage ont réalisé une EVA (sortie extra-véhiculaire) afin d’installer aux alentours de la station deux expériences scientifiques confiées par des laboratoires de recherches. Cette EVA fut tant complexe techniquement qu’éprouvante physiquement. Un groupe s’est occupé d’installer le LOAC (Light Optical Aerosol Counter) qui est en fait un compteur d’aérosols dans l’air (mais nous parlerons de cette expérience passionnante dans un autre rapport). Pendant ce temps-là, l’autre groupe a assemblé la station météo qui sert à récolter des données afin de mieux comprendre les données renvoyées par les autres instruments (comme par exemple le LOAC).
Avant toute chose laissez moi vous dire qu’installer un instrument scientifique pendant une EVA n’a rien à voir avec du bricolage ou le montage d’un meuble IKEA. Il faut vous imaginer que nous portons une combinaison spatiale de 10kg sur notre dos qui réduit drastiquement notre liberté de mouvement, un casque qui déforme notre vision. Additionnez à cela que nous ne pouvons communiquer que par radio à cause de la ventilation et que nous portons l’équivalent de gants de ski qui rendent chaque étape de l’assemblage extrêmement compliquées techniquement. Avec tout cet équipement chaque mouvement devient long et fastidieux.
Grâce à leur excellent travail, nous pouvons désormais admirer depuis notre fenêtre la station météo qui se dresse fièrement au milieu du désert Martien. C’est d’autant plus cool que cette fenêtre est celle sur laquelle se tient sagement notre peluche représentant Raphael qui était en charge de cette expérience durant la préparation de la mission.
Pour cette EVA Clément a dû prendre une combinaison différente des fois précédentes car celle ci a souffert d’un problème technique au niveau de la ventilation. Notre ingénieur François et notre astronome Maxime ont passé une partie de l’après-midi dans le RAM (Repair and Assembly Module) et ont réussi à trouver la panne et à réparer la combinaison. Bravo à eux ! Grâce à leur travail, notre commandant va pouvoir sortir en EVA en toute sécurité !

En parlant de notre commandant, j’ai profité d’un moment de calme dans l’après-midi afin de l’interviewer et voici ce que nous nous sommes dit :
« -Bonjour Clément ! Comment vas-tu en ce Sol 2 ?
-Bonjour je suis en pleine forme et toi Pierre ?
-Tout va très bien, je suis très content de faire cette interview avec toi !
Pour commencer Clément est-ce que tu peux te présenter brièvement pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore ?
-Avec grand plaisir ! Je m’appelle Clément Plagne, je suis actuellement étudiant en dernier année à l’ISAE-Supaero, une école d’ingénieur française spécialisée en aérospatiale. L’an dernier j’ai effectué un stage au CNES, l’agence spatiale française, pendant lequel j’ai travaillé en tant qu’ingénieur sur la thématique des ballons stratosphériques. Ma passion pour les vols habités m’a poussé à étudier les sciences médicales durant un semestre de mon année de césure. Après la mission je vais réaliser un autre stage à l’ESA, l’agence spatiale européenne au cours duquel je vais avoir la chance d’opérer en tant qu’ingénieur sur leurs propres mission analogues.
-Wow ça s’annonce passionnant !
Bon Clément, pour ceux qui ne le savent pas tu as déjà effectué une mission martienne dans cette station il y a deux ans. Qu’est-ce-que ça fait d’être de retour à la maison, dans cette station martienne que tu connais bien ?
-Ça fait du bien d’être de retour, vraiment ! La station n’a pas tant changé mais ça m’a quand même pris un peu de temps de reprendre mes marques. Ça va mieux maintenant, et j’ai repris mes quartiers dans mon ancienne chambre et récupéré la plupart de mes habitudes, je me sens de nouveau comme chez à la maison.
-Et pourquoi avoir choisi de repartir pour une mission martienne ?
-Je pense que la raison est plutôt évidente. A la fin d’une mission dans la MDRS tu as l’impression tout s ‘est passé trop vite et tu n’as qu’une envie c’est de repartir en mission !
-Je crois que je peux imaginer pourquoi les journées passent à toute vitesse ici !
Quelle est la chose qui t’a le plus plu lors de ta première mission avec le Crew 223 ?
-La photo évidemment ! Au moment de ma première mission j’avais commencé la photo deux ans auparavant et j’adoré prendre en photo des paysages et autres choses qui passaient devant mon objectif. Mais ici, à la MDRS, tu peux trouver des paysages qui n’existent nulle part ailleurs (à part sur Mars bien évidemment). De plus, la possibilité d’opérer en tant que photographe en EVA en portant la combinaison rend l’expérience encore plus incroyable. J’aime beaucoup prendre mes coéquipiers en photo en pleine action pendant les EVA dans cet environnement martien. Aujourd’hui encore je prends plaisir à regarder mes anciennes photos d’il y a deux ans !
-Je dois dire que moi aussi j’adore ces photos tu as vraiment fait du bon travail !
(Je conseille fortement au lecteur d’aller voir ces photos, elles valent le détour)
-Merci beaucoup !
-Tu as l’air d’avoir beaucoup aimé cette première mission. Quelle est la chose qui t’a le plus manqué pendant ces deux ans sur Terre entre les deux missions ?
-Ce qui m’a le plus manqué je crois c’est l’absence totale de distractions. Sur Terre il est presque impossible de travailler plus de deux heures d’affilés sans être dérangé par une notification ou dérangé par un évènement inattendu. Personnellement j’ai tendance à être distrait facilement par ce genre de choses et le fait d’être sur Mars est pour moi une réelle opportunité de travailler beaucoup plus efficacement.
-Je ne peux qu’approuver ce que tu viens de dire, je le ressens aussi.
Cette année tu es revenu mais cette fois en tant que Commandant de l’équipage. Peux-tu expliquer en quoi consiste le rôle de commandant et en quoi ce nouveau rôle influe sur ta manière de vivre la mission ?
-Dans un équipage le Commandant est le membre le plus expérimenté car il a déjà effectué une mission au préalable. Pour cette raison il connaît la station par cœur et il connaît son fonctionnement. Ton rôle en tant que commandant est donc d’aider tes coéquipiers à bien faire leur travail, à éviter de faire des erreurs et surtout à répondre à leurs questions. Cette une perspective toute autre que lorsque j’étais journaliste il y a deux ans, comme toi aujourd’hui. En tant que journaliste mon travail consistait à récolter des informations auprès de mes coéquipiers et de rédiger mon rapport à la fin de la journée. Aujourd’hui je suis beaucoup plus actif que je ne l’étais à cette époque. Je suis plus orienté vers la résolution de problèmes que vers l’écoute, qui reste néanmoins une composante essentielle de mon rôle.
-De mon point de vue c’est très agréable d’avoir quelqu’un sur qui se reposer en ce début de mission. Tu es toujours là pour répondre à nos questions et parfaire notre formation. Je pense que tu tiens très bien ton rôle et je t’en remercie ! Merci beaucoup pour cette interview Clément ! »
Voilà qui conclut cette première interview. Dans les prochains rapports nous allons bien évidemment interviewer les autres membres de l’équipage alors ne ratez pas la suite de nos aventures sur Mars !