Station d'étude du recyclage de l'eau
Parfois sur Mars il est nécessaire de savoir improviser et les évènements de ces derniers jours en sont une bonne illustration.
Il y a deux jours, une EVA qui visait à créer une carte 3D de la zone autour de North Ridge ne s’est pas déroulée comme prévu. Nous avons dû revenir à la station en plein milieu de l’EVA car un des membres a perdu toute visibilité à cause de son bandana qui avait glissé sur ses yeux (pour la petite histoire c’était moi). On pourrait croire que c’est amusant mais lorsque cela arrive lors d’une EVA sur Mars ça ne l’est pas du tout. En effet la combinaison spatiale vous empêche de remonter le bandeau qui masque votre vue et vous oblige donc à rentrer à la station pour enlever la combinaison avant de repartir. Cet incident nous a fait perdre un temps précieux et nous avons manqué de temps pour finir de cartographier la zone avec le drone.
Par la suite nous avons donc dû planifier une nouvelle EVA ce matin pour retenter notre chance à North Ridge. Nous avions vraiment besoin de cette carte 3D pour les besoins d’une expérience passionnante dont je vous parlerai plus longuement dans un prochain rapport, comme d’habitude.
Mais hier, au moment de faire notre demande d’EVA, nous avons appris que ce matin serait très froid et venteux. Ces conditions auraient pu compromettre le vol des drones et par la même occasion l’objectif de cette EVA. Cette nouvelle information nous a obligé à déplacer l’EVA à l’après-midi qui s’annonçait plus clémente pour faire voler le drone. Finalement, nous avons réussi à réaliser l’EVA cet après-midi et à créer la carte 3D de North Ridge. Sur Mars il faut parfois s’avoir s’adapter rapidement pour faire face aux situations inattendues
En termes d'adaptation, l'imprimante 3D est vraiment un outil formidable. Sur Mars vous n’auriez jamais accès à tous les outils nécessaires et il est bien entendu impensable de les commander sur internet pour se les faire livrer. Il faut donc apprendre à créer ses propres outils et les imprimer en 3D me paraît être une excellente solution. Par exemple, Julie avait besoin d’un entonnoir spécial pour filtrer de l’eau sale afin de la recycler. Maxime et Clément ont pu dessiner et imprimer la pièce en 3D ce qui, vous admettrez, est très pratique. Dans les faits, ils ont plutôt passé l’après-midi à essayer de faire fonctionner l’imprimante 3D mais l’idée était là !
Maxime devant l'impriante 3D
En parlant de recycler l’eau, aujourd’hui nous allons discuter avec quelques membres de l’équipage de la gestion de l’eau dans la station. C’est le premier épisode d’un nouveau format de rapports appelé « Gros plan sur » dans lesquels nous allons nous concentrer dans chaque épisode sur une ou plusieurs expériences. J’espère que ça va vous plaire !
« Pierre : Ok pour commencer, pourquoi est-ce si important de bien gérer son eau sur Mars ? »
Clément : Je pense que pour le coup, la réponse est plutôt évidente. Mars s’apparente à un désert extrêmement sec sur la quasi-totalité de sa surface, bien plus sec qu’ici dans notre désert ! Donc si nous souhaitons nous y installer un jour, il faudra amener avec nous l’eau que nous boirons, et la conserver autant que possible, car il n’y a presque pas de moyen d’en retrouver si on en consomme trop
Pierre : Et quelles sont les activités les plus consommatrices d’eau dans la station ?
Clément : L’activité la plus consommatrice, en réalité, c’est l’arrosage des plantes dans la serre. Contrairement à nous les humains, les plantes ne peuvent pas se restreindre sur la quantité d’eau qu’elles utilisent. Du côté de l’habitat, pratiquement tous les usages sont liés à l’hygiène. Même en limitant les douches par exemple, être capable de maintenir la station et nous-mêmes propres demande quand même beaucoup d’eau.
Pierre : Et comment on fait alors pour économiser l’eau ?
Julie: Pour recycler l’eau, il faut déjà l’économiser, car le processus de recyclage est très long, et ne permet pas d’obtenir de l’eau complètement potable. Pour l’économiser, on se lave les mains au gel hydroalcoolique le plus souvent, on ne met pas d’eau pour se laver les dents, on ne prend que 1 ou 2 douches dans la semaine, on utilise des lingettes, on use de stratégie pour la vaisselle. La priorité, c’est l’eau que l’on boit, et l’eau pour la serre. On ne doit pas se restreindre pour celles-ci.
Les eaux usées que l’on recycle sont nos eaux usées provenant des vaisselles, des douches, et des autres lavages du corps (les mains, le visage, etc…) On les stocke dans des tonneaux, de façon organisée. Comment les traite-t-on ensuite? En fait, lors d’un lavage, les molécules de savon réagissent avec la saleté, pour la piéger, créant alors des complexes savon-saleté. Pour extraire de l’eau ces complexes, on va les faire réagir avec des ions calcium, qui réagissent très bien avec la partie des molécules de savon qui n’est pas en contact avec la saleté. Le produit final formé est un sel blanc contenant le calcium, le savon, la saleté, et qui a en plus la qualité d’être solide ! Il est donc facile à extraire de l’eau : il suffit de filtrer cette dernière, en utilisant du papier filtre, un entonnoir adapté, et un conteneur. On obtient de l’eau complètement propre! Après cela, on peut faire bouillir cette eau pour s’assurer de retirer le plus de bactéries possible, et on peut la réutiliser en toute sécurité pour une douche, une vaisselle, ou n’importe quel autre lavage. Cependant, cette méthode ne marche très bien qu’avec du savon de Marseille, qui est le savon le plus basique, et qui se retire très bien de l’eau avec du calcium, contrairement à d’autres savons. Dans la station, cela fait donc 3 jours que l’on utilise exclusivement du savon de Marseille.
Pierre: Sur un sujet transverse, comment peut-on s’assurer que l’on consommé sur Mars est bien potable?
Marion : comme sur l’ISS, nous allons avoir besoin de tester la qualité de l’eau sur Mars pour s’assurer qu’elle est potable. Grâce au CNES et à Biomerieux, on peut utiliser les Aquapads. Ces petites boîtes contiennent un milieu qui permet aux bactéries de proliférer. Après avoir injecté de l’eau du robinet dans l’Aquapad , il est placé dans un incubateur pendant 48-72h. Après cette période, l’Aquapad est sorti de l’incubateur pour compter le nombre total de colonies. Ce chiffre est comparé à des données empiriques qui nous permettent de conclure sur la potabilité de l’eau. L’Aquapad est très efficace et sa petite taille (4cm de diamètre) permet de l’amener facilement dans des missions spatiales. »