Petit guide de la MDRS

Petit Guide de la MDRS

En lisant les rapports du journaliste de la mission, certains termes vous ont peut-être troublés : Hab, Green-Hab, Science Dome… Ainsi, Benjamin, le journaliste de la mission, vous propose une visite de la MDRS !

La MDRS, pour Mars Desert Research Station, est un petit habitat terrien sur la planète rouge. Elle se décompose en plusieurs zones distinctes :

Le Hab est le lieu de vie principal de l’équipage : sur deux niveaux, ce cylindre de 8 mètres de diamètre est le centre de la station. L’étage supérieur (ou Upper Deck) est comme un petit appartement, où on trouve les chambres, la cuisine, la salle à manger, et des lieux de repos. Au final, rien de si dépaysant pour des habitués des logements étudiants. Au rez-de chaussée (ou Lower Deck) se situent les toilettes, et la salle de bain, bien que le temps passé dans cette dernière est très limité, conservation maximale de l’eau oblige. Les combinaisons pour les sorties extra-véhiculaires (EVA) sont également stockées à cet étage. On y trouve enfin le SAS de dépressurisation (airlock) qui permettent de rentrer et sortir de la station.

Le Green-Hab : La verdure au beau milieu du désert ! C’est la serre de la station, gérée par Norbert. Elle permet de fournir à l’équipage quelques produits frais pour égayer les repas lyophilisés, et elle est aussi le lieu d’expériences scientifiques sur les végétaux.

Le RAMM (Repair and Maintenance Module) : C’est le module le plus récent de la station. Il a pour but de réaliser diverses réparations : du petit matériel de la station jusqu’au rover.

Le Science Dome : Ce grand dôme nous permet de réaliser toutes sortes d’expériences scientifiques, on y trouve du matériel expérimental.

Les Observatoires : Ils sont les outils d’Aurélien, l’astronome de la mission. L’un d’entre eux, le Musk Observatory, permet d’étudier le soleil en journée et est commandé manuellement. Le second est robotisé et sert à scruter le ciel la nuit.


Les Rovers : Ils sont nos moyens de transport pendant les sorties hors de la station. Leurs petits noms : Curiosity, Spirit et Opportunity en référence à quelques uns des premiers explorateurs de la planète rouge. Ils sont à l’épreuve de tous les reliefs et fonctionnent grâce à l’énergie électrique fournie en grande partie par les panneaux solaires.

Auteur : Benjamin Auzou, Journaliste

Sol 20

Sol 20

Pour notre premier jour de retour sur Terre, nous nous sommes réveillés plus tôt que pendant le reste de la mission avec un but précis : profiter du lever de soleil sur le paysage désertique depuis Hab Ridge. Les premières lueurs commençaient à dessiner le relief autour de nous, et quand le premier rayon de soleil émergea sur la ligne d’horizon, un grand sourire apparu sur nos visages : la Terre nous avait rappelés à elle et nous étions bien de retour !

Après le lever de soleil, Norbert, Aurélien et moi avons décidé de courir jusqu’à Skyline Rim, cette merveille géologique qui nous intriguait pendant toute la mission, mais qui était impossible à atteindre avec les rovers et les combinaisons. Nous avons touché le Rim et nous sommes ensuite retourné vers le Hab, un acte simple mais qui a réveillé en nous un sentiment de liberté tellement différent que le confinement vécu pendant les 20 derniers jours.

Hier soir, nous avions invité Atila et David, les supports de notre mission, à manger des pizzas et un gâteau. C’était rafraîchissant de parler à d’autres personnes que nous six, et encore pour eux qui ne voient pas plus de monde que nous.

Sur conseil d’Atila et David, nous sommes sortis pour une EVA à Copernicus. Nous avons conduit les rovers sans combinaison, ce qui encore une fois donnait un sentiment de liberté incroyable. Nous avons été agréablement surpris de sentir le vent fort sur nos joues pendant que nous prenions de la vitesse, en conduisant enfin sans casque ou système de ventilation. L’équipage a marché sur Copernicus Highway entouré par un paysage lunaire. Le craquement de nos pieds sur le sol desséché était assez nouveau pour nous et nous profitions à la fois de ces bruits insignifiants et du silence absolu du désert, assis à même la poussière grise, nos têtes penchées en arrière pour profiter de la chaleur que les rayons du soleil nous offraient. Aucun mot n’était nécessaire pour maintenir cette vibrante harmonie. Après ce moment divin, nous nous sommes dirigés dans les entrailles du canyon en multipliant les blagues, submergés de joie. Nous sommes enfin rentrés au Hab profitant de chaque dernière miette de Mars.

Dans l’après-midi, nous avons accueilli l’équipage 207. C’était très agréable de rencontrer de nouvelles personnes et de transmettre au maximum ce que nous avions appris ces trois dernières semaines.

Ensuite, avec notre Commandant en second Aurélien, nous avons pris la HabCar et conduit jusqu’ à Hanksville pour prendre de l’eau et remplir le réservoir de la station. C’était un retour étrange à la vraie vie et la société humaine, nous avons rencontré des gens à la station-service, nous avons acheté un soda juste pour le plaisir de dépenser un dollar à nouveau, et nous avons simplement profité d’un trajet en voiture sur la route. Même si tout ça n’était qu’à une trentaine de kilomètres de nous, nous étions vraiment à des millions de kilomètres de là, sur Mars.

Auteurs : Benjamin Auzou, Journaliste et Cerise Cuny, Responsable Santé et Sécurité & Biologiste.

Sol 19 :  La fin seulement d’une aventure au…

15 Mars 2019

Sol 19 :  La fin seulement d’une aventure au sein d’une plus longue histoire

Le 24 février, nous fermions le sas de la station et débutions dans la foulée notre mission. Trois semaines plus tard, nous avons réouvert ce sas et conclu notre rotation dans la MDRS. Ces 20 sols martiens furent intenses and sans précédent pour nous. À 18h01, nous nous sommes engouffrés dans la porte du sas principal pour courir sur le sol terrien, pour la première fois depuis le début de la simulation sans porter de combinaison. Même si nos moments dans le Hab resteront des souvenirs agréables, c’est bon d’être de retour sur Terre et de respirer son air frais. Sentir l’atmosphère, ou même marcher sur le sol, les choses qui paraissent comme basiques dans la vie de tous les jours avaient un goût d’unique ce soir.

Mars est un objectif ambitieux pour l’Humanité, mais la Terre est notre berceau et le ressentir à nouveau fut plus qu’un simple plaisir passager. Nous avons réalisé que l’Humanité a besoin de la Terre pour survivre et que nous devons prendre soin de ce chétif point bleu pâle dans le système solaire. Ces trois semaines ici nous ont appris que nous n’avons pas besoin d’autant de confort dans nos vies. Une douche tous les jours, la sur-connexion and sur-consommation ne nous donnent pas tant de plaisir alors que nous brûlons et détruisons les autres composants de notre planète pour les obtenir.

Vivre sur Mars nous a montré ce qui était réellement essentiel pour vivre et ce qui est important dans les relations avec les autres. Un peu de cuisine, de bonnes amitiés, de superbes expériences scientifiques et un peu de pétanque nous semblent bien assez. Cependant, la Terre nous rappelle à elle ; bientôt, nous reprendrons nos routines quotidiennes en France, mais nous n’oublierons jamais ces dernières semaines.

Nous nous sommes rencontrés en août 2017 à Toulouse, Jérémy entrait alors en deuxième année à l’ISAE-SUPAERO et le reste de l’équipage arrivait tout juste pour sa première année. Ensuite, nous avons commencé à travailler ensemble autour des projets du club MARS. Notre groupe qui est devenu l’équipage 206 est devenu plus fort jour après jour, alors que nous travaillions ensemble avec un même objectif, cette mission. Après plus d’un an pour la préparer, ayant rencontré à la fois des difficultés et des problèmes nombreux et variés, mais aussi des moments de joie et reconnaissance, nous avons achevé notre mission. Nous sommes tous extrêmement heureux de ce qui a été fait, pour les moments passés ensemble, et la science qui a pu être menée. Si la mission est terminée, ce que vous avons achevé vient juste de commencer.

Aurélien, Norbert et moi étions les derniers à marcher sur le sol martien de la mission. Nous avons marché au sein de Candor Chasma, appréciant nos derniers pas et nos derniers regards sur Mars. Nous avons vécu une merveilleuse aventure ici, et nous avons participé activement à surpasser certain des challenges de l’exploration de Mars, et nous remercions chaudement la Mars Society, Robert Zubrin, Shanon Ruper, Atila Mezsaros et toutes les équipes en support de la mission pour avoir rendu cela possible.

Nous avons passé trois semaines formidables que nous ne pourrons jamais oublier, et qui nous ont appris beaucoup sur nous et d’autres choses. Nous sommes plus qu’un équipage, nous sommes un groupe de six amis qui ont noué des liens forts qui s’étendent bien au-delà du désert martien.

Auteurs : Benjamin Auzou, Journaliste & Norbert Pouzin, Officier de la Serre.

Sol 18 : Pensées martiennes

14 Mars 2019

Sol 18 : Pensées martiennes

Encore plus qu’hier, nous sentons la fin de la mission approcher, nous avons nettoyé dans la journée l’ensemble de la station pour préparer l’arrivée de l’équipage 207, filmé des réponses à des questions posées par des collégiens et lycéens français sur notre mission, et exploré pour la première fois l’Est de la MDRS. C’était une EVA particulière puisqu’elle était la dernière de la mission pour Cerise et Jérémy, et si
Cerise sera peut-être de retour en tant que commandante l’an prochain, c’était pour Jérémy la dernière sortie sur le sol martien en tant que membre d’un équipage ISAE-SUPAERO, ce qui a donné une saveur particulière à l’exploration. Nous avons visité les abords du canyon Candor Chasma et ses paysages majestueux et inédits pour nous tous. Nous avons pris le temps d’admirer ce que nous avions devant les yeux et Jérémy a pu prendre ses derniers clichés de la Planète Rouge.

Je tiens particulièrement à le remercier pour ce qu’il a fait pour l’équipage et le Club MARS; Green-Hab Officer de la mission 189 et Commandant de cette mission 206, il s’est impliqué activement dans le bon déroulement de ces missions et le développement d’expériences scientifiques. En parallèle il a aussi participé à la diversification des activités de l’association, en s’impliquant notamment dans les activités d’ouverture sociale du programme OSE l’ISAE-SUPAERO. Je lui souhaite au nom du reste de l’équipage une bonne continuation dans le stage palpitant qui l’attend et pour l’obtention de son diplôme, avec la certitude que les trois semaines que nous avons passé ensemble ici ont forgé des liens qui dépassent l’éloignement que causera notre dispersion à travers le monde pour nos stages et cursus différents.

Après ces trois semaines de mission bien remplies et qui s’achèveront demain, nous commençons à établir le bilan de cette aventure. Chacun est venu ici avec des objectifs, qu’ils soient individuels ou collectifs et nous commençons à en avoir les réponses. Comment allons-nous vivre le confinement ? Comment les relations au sein de l’équipage vont évoluer ? Quels résultats scientifiques allons-nous obtenir ? Ce sont là les raisons de cette mission humaine et scientifique. Nous avons préparé depuis un an cette mission ensemble en parallèle d’autres actions comme des interventions dans des collèges et lycées. C’est ce qui fait de nous un équipage soudé et à toute épreuve et qui fonde toute la dimension humaine de la mission, nous en avons appris beaucoup sur nous même et sur la vie d’équipage.

Mais nous réalisons cette mission avant tout pour faire progresser la science et amener l’homme sur Mars. Nous avons passé trois semaines en confinement, participant à et déployant de nombreuses expériences. Celles-ci avaient pour but d’étudier l’influence du confinement sur nos comportements, performances, motivation, mais aussi d’établir des protocoles expérimentaux reproductibles dans l’optique d’une mission scientifique vers Mars.

Alors que Neil Armstrong a posé le premier pas sur la Lune pour l’humanité, le premier pas sur Mars sera fait par l’humanité. La clé de la réussite de ce grand édifice humain est la collaboration : que ce soit la collaboration internationale mais aussi la collaboration entre les acteurs nationaux et privés. En effet l’exploration de Mars ne pourra pas être l’œuvre d’une nation seule, d’une entreprise isolée, mais celle d’un ensemble d’organisations et de personnes. Et si un nombre restreint de personnes pourra dans un premier temps atteindre la planète rouge, cela sera le résultat du travail de nombreuses personnes. Les ingénieurs travaillant au sein des agences et entreprises sur la production de moyens techniques, les chercheurs participant au développement de concepts et procédés pour améliorer le vol habité, les diplomates agissant à la promotion de l’exploration spatiale, les étudiants qui comme nous participent à leur échelle à la modernisation du vol spatial, les professeurs transmettant aux jeunes populations la passion ou les vocations scientifiques, les gens passionnés par l’espace qui parlent autour d’eux de cette passion et des avancées qu’elle génère.

J’ai en cette fin de mission une pensée particulière pour mon professeur de physique-chimie de lycée, Pascal Martin, tragiquement décédé d’un accident de voiture. Cet homme fascinant m’a toujours impressionné par la passion et le cœur qu’il mettait dans l’enseignement de sa matière, et bien plus encore. Il avait également une capacité d’adaptation aux besoins de chaque élève qui permettait de faire avancer chacun, que l’on soit un petit génie de la physique ou un étudiant en difficultés. Il m’a notamment transmis en plus des connaissances du programme scolaire une grande partie de sa curiosité pour les sciences, de son envie de découvrir des choses, tout en travaillant au partage de la connaissance.
Je le reconnais particulièrement dans les deux vocations du Club MARS : la recherche et la vulgarisation scientifique. A lui qui voulait la réussite et le bonheur de tous ses élèves, à l’école et à l’extérieur, dans la vie privée comme professionnelle, je peux assurer que je vis aujourd’hui une aventure grandiose qui participe à un objectif encore plus grand. Et pour cela et au nom de tous mes camarades dont il a participé à la réussite et à l’accomplissement : Merci !

Auteur : Benjamin Auzou, Journaliste

Sol 17 : Retour d’urgence

13 Mars 2019

Sol 17 : Retour d’urgence

Lorsque l’équipe EVA de la journée explorait la zone sud de la station, elle a fait face à de forts vents et a pris la décision de revenir à la station. Le début de l’EVA s’était bien déroulé: ils se sont rendus à la station météo et au LOAC pour faire de l’entretien, comme d’habitude. Puis ils se sont dirigés vers le sud. Le premier arrêt s’est fait avant les Kissing Camels Ridges.

Le vent était encore assez faible, mais il faisait assez froid. C’est à leur deuxième arrêt que les choses se gâtent: après 10 minutes de marche, le vent s’est levé de façon spectaculaire et rapide, l’équipe EVA a commencé à ressentir le froid du vent à travers ses gants. Il devenait difficile d’entendre les autres membres à la radio et le vent les poussait. Cerise, leader de l’EVA, a pris la bonne décision d’abandonner l’EVA et de retourner directement aux rovers. L’équipe est rentrée au Hab tandis que le vent a beaucoup sollicité les batteries de rover. L’équipe est arrivée dans le sas de pressurisation frigorifiée, mais saine et sauve. Cette EVA était différente du reste de notre mission. Cerise, Jérémy, Aurélien et Norbert ont exploré une vaste région sans objectif précis, si ce n’est la volonté d’explorer et de découvrir des régions inconnues. Ils ont conduit les rovers le long de Cow Dung Road et se sont arrêtés dès qu’ils trouvaient un bel endroit géologique. Ce fut une véritable exploration, comme les premiers colons devront faire sur Mars.

Aujourd’hui a été une étape importante pour certains d’entre nous. Notre mission se terminera dans moins de deux jours et nous avons commencé à le réaliser à partir d’aujourd’hui. L’effet sur nos comportements est étrange: nous avons un pied sur Terre mais l’autre est encore bien ancré sur Mars. D’une part, il nous est plus facile de vivre dans cette optique car le confinement a moins de poids sur nous. D’autre part, la mission est l’un des moments les plus intenses de notre vie, que nous avons préparé pendant un an et il est difficile de voir sa fin approcher. Deux d’entre nous retourneront dans la MDRS pour commander les missions ISAE-SUPAERO en 2020, mais pour les autres, ce sont certainement nos derniers jours sur la planète rouge. Cela affecte la vie du Hab et les expériences.

Mais les effets sont très différents d’un membre d’équipage à un autre. Par exemple, Aurélien et Norbert sentent la fin de la mission arriver à grands pas alors que je me sens encore comme un astronaute en plein milieu de sa mission. J’ai été vraiment surpris par exemple quand Aurélien m’a dit que demain nous allions commencer à faire nos bagages. Le fait que dans trois jours nous serons dans un avion pour Paris nous rends différents ces jours-ci, ce qui n’aurait pas lieu si nous étions au milieu d’une mission plus longue. Nous pensons plus que jamais au retour et cela à une influence sur nous, et je pense que ces jours-ci, tout comme les premiers jours de la mission, sont moins pertinents pour les résultats scientifiques et les facteurs humains. Samedi, l’équipage 207 nous rejoindra dans la MDRS. Le Hab et l’équipage 206 seront prêts à les accueillir et à les laisser commencer leur science ici.

Auteur : Benjamin Auzou, Journaliste

Sol 16 : La force de l’expérience

12 Mars 2019

Sol 16 : La force de l’expérience

Notre association envoie des équipages pour des missions MDRS depuis 5 ans. Les équipages MDRS 151, 164, 175, 189, 206 sont une succession d’expériences transmises chaque année aux nouveaux membres. 22 étudiants en aéronautique et spatiale de l’ISAE-SUPAERO ont travaillé au fil des années à forger notre connaissance et savoir-faire en matière de missions analogues martiennes. Au début de l’association, deux étudiants ont participé à une mission internationale, et depuis les équipages se succèdent avec à leur commandement des vétérans de missions précédentes. Notre équipage est ainsi commandé par Jérémy, Green-Hab Officer de la mission 189. Nous continuons nos efforts pour la science et notre partenariat avec la MDRS; avec plus de 30 candidatures pour les missions 2020, nous avons sélectionné deux équipages, et la directrice de la station a accepté d’accueillir deux missions ISAE-SUPAERO en 2020. L’équipage entier est encore étudiant, et sera l’an prochain en stage ou en cursus universitaire à l’étranger. Deux parmi nous commanderons les équipages de 2020 mais nous ne savons pas encore qui. C’est pourquoi l’équipage entier s’entraîne à l’éventualité de devenir commandant : prise en charge de fenêtres de communication, leadership d’EVA, participation à la rédaction du rapport de mission et direction d’expériences scientifiques. De plus chacun des membres de l’équipage se renseigne sur les rôles de mission afin d’être au courant des activités et d’être capable de former les équipages 2020.

C’est sur cela que nos équipages sont construits : l’expérience. Les membres d’équipages sont sélectionnés, formés et conseillés par des membres des missions précédentes. Cela nous permet de conserver une bonne connaissance des fondamentaux de la MDRS et de déployer des expériences scientifiques au fil des années. Par exemple le compteur d’aérosol (LOAC) a analysé l’air du désert en 2018 et 2019; tout comme l’expérience de conduite de rover ‘TELEOP’. Nous avons développé une application d’aide à la prise de notes et au suivi de protocole pour EVA, crée par Louis Mangin, Commandant de la mission 189 et améliorée cette année par Gaspard. Et l’année prochaine nous continuerons à améliorer nos différents suivis, mais aussi apporter de nouvelles expériences avec deux équipages composés d’étudiants et d’étudiantes curieux et talentueux de l’ISAE-SUPAERO.

Cette semaine nous avons continué de filmer des moments de vie et de science pour préparer la vidéo récapitulative de la mission. Cette vidéo sera disponible quelques jours après la fin de la mission. Ce que nous vivons actuellement est extraordinaire, et le résultat d’une année de préparation, et nous avons hâte de partager ce que nous avons accompli avec nos proches, et les personnes qui suivent notre aventure. Ici sur Mars, notre rôle est principalement scientifique, mais une fois de retour sur Terre il sera plutôt de vulgariser et partager notre mission martienne à des enfants, nos amis, nos familles. Ce sont les deux objectifs de notre association, le Club MARS de l’ISAE-SUPAERO : la science et les relations avec le grand public.

Auteur : Benjamin Auzou, Journaliste

Sol 15 : Essais et erreurs

11 Mars 2019

Sol 15 : Essais et erreurs

Nous avons réinstallé le LOAC à sa position, avec la station météo et surtout une meilleure fixation au sol. La sortie d’aujourd’hui était une copie de la deuxième EVA de notre mission, qui était d’ailleurs celle de mes premiers pas martiens : même équipe et même objectif. Aujourd’hui, Aurélien a reçu ses premiers résultats d’astronomie depuis quelques jours, profitant de la fin des vents forts autour de la MDRS : une belle photographie des Pléiades. En fin de journée, après la sortie du matin, le pilotage de rover de l’après-midi, j’ai été transporté par l’expérience de réalité virtuelle dans des paysages montagneux chinois, ce fut un bol d’air appréciable, bien que virtuel.

Cette mission confirme que dans le monde du spatial, une longue préparation est nécessaire, mais aussi qu’il est strictement impossible de prévoir tous les évènements. La route vers l’espace est semée d’embuches, de difficultés, et d’erreurs à traverser. Et ces problèmes sont toujours plus simples à régler quand ils sont soulevés avant de quitter la Terre. Nous avons affronté des complications pour les expériences de facteurs humains TELEOP, qui se sont avérées malchanceuses cette année : un eye tracker perdu (ou volé..) à l’aéroport, des soucis de connexion au rover, un chargeur d’ordinateur grillé. Aussi le temps a été mauvais aux expériences que nous avons déployées en extérieur dans le désert.

Nous nous sommes préparés plus d’un an pour cette mission, mais la réalité est bien différente de ce que nous avions pu prévoir, imaginer ou penser. Nous avons dû nous adapter pour mener à bien la mission et ses objectifs scientifiques. Nous avons réparé et replacé la station météo, nous avons modifié les protocoles de la version physique de TELEOP pour sauver l’expérience. Et au final aucune expérience scientifique n’a été sacrifiée. Comme quoi une bonne préparation, si elle ne permet pas d’éviter toutes les erreurs, tous les imprévus, permet néanmoins d’y répondre efficacement.

Le premier pas de l’homme sur Mars sera le résultat d’années de travail de personnes : chercheurs, ingénieurs, scientifiques qui ont dédié leur vie à l’amélioration de la science et des technologies pour aider l’humanité à dépasser ses limites et atteindre une autre planète. Ces personnes sont celles qui aujourd’hui font face à des échecs mais continuent à essayer, à chercher pour faire des découvertes; tandis que le reste du monde ne verra demain que le résultat final et le succès. Les erreurs ne sont pas une fin, mais des marches, des aiguillages à traverser pour trouver la vérité.

Auteur : Benjamin Auzou, Journaliste

Sol 14 : Un jour bien différent

10 Mars 2019

Sol 14 : Un jour bien différent

Depuis le début de notre mission, les jours sont plutôt chargés et suivent une routine particulièrement lourde. Aujourd’hui a été pour nous tous un bon jour, où nous avons pu vivre et penser différemment, mais surtout nous ressourcer. Cependant il est bien plus dur de trouver l’inspiration dans des jours comme celui là.

Le changement d’heure a déjà gâché une bonne partie de la journée. Nous nous sommes réveillé entre 9 heures et 10 heures, nous avons pris le repas du midi vers 14 heures : un jour déréglé. Nos avons profité d’un petit-déjeuner copieux avec une nouvelle recette de pancakes et avons passé plus de temps à table à discuter qu’en semaine. Ensuite pendant que Norbert préparait du pain, nous avons regardé un film, débattu sur la place de l’humour dans la société, joué à des jeux en réalité virtuelle et aux cartes.

Pendant les jours de repos, le temps est bien différent. En effet nous ne sommes plus soumis à notre planning, nous n’avons aucune tâche ou expérience organisée. Ainsi nous nous laissons plus de temps pour cuisiner, plus de temps pour lire, plus de temps pour parler, plus de temps pour jouer, plus de temps pour tout, plus de temps pour nous. Le temps est une variable précieuse, surtout sur Mars, où la Terre est à environ 15 minutes de communication à la vitesse de la lumière, à des mois de voyage interplanétaire. Aussi sur Mars la question de la durée du jour se pose : Les colons vivront-ils sous le cycle circadien de 24 heures ou s’adapteront-ils aux sols de 24 heures et 40 minutes de Mars ?

Demain, nous reprenons notre activité normale. Et bien que des jours comme aujourd’hui où l’on peut se libérer et lâcher prise, sont agréables et nécessaires, nous avons hâte de reprendre les expériences scientifiques que nous menons depuis maintenant deux semaines. Au programme : retour de la station météo sur le sol rouge et poussiéreux et reprise des expériences de facteurs humains.

Hier était notre dernier samedi sur Mars, aujourd’hui notre dernier dimanche, et maintenant chaque jour sera unique, le dernier de la mission. Nous nous sommes attachés  à la vie dans le Hab et à notre cohabitation, mais nous sommes tous partagés entre deux sentiments : le plaisir et la fierté d’être là où l’on est, mais aussi le désir de retrouver notre chez nous et ceux qui nous sont chers.

Auteur : Benjamin Auzou, Journaliste

Sol 13 : Le Conseil des Martiens

09 Mars 2019

Sol 13 : Le Conseil des Martiens

La vie est souvent faite de compromis et de débats. Il est important pour le développement d’une société que les hommes écoutent les points de vue de chacun et les prennent en compte pour faire le meilleur choix. D’autant plus dans une mission comme la notre, où un petit nombre de personnes doit vivre ensemble dans un environnement confiné et prendre des décisions importantes. Il est alors essentiel que tout le monde partage son expérience et son opinion pour aider la communauté. La question de Mars et de l’exploration de l’espace est aussi un débat ouvert : Comment gérer l’exploitation des ressources ? Quelles lois appliquer sur Mars ? Quelle autorité donner à la Terre sur une colonie martienne ? Comment définir le statut des colons ? Tant de questions encore sans réponse et auxquelles il sera primordial de se répondre avant de planifier la première mission habitée vers Mars.

Depuis le milieu de semaine nous avons passé de plus en plus de temps à débattre, sur des sujets variés, avec des opinions toujours intéressantes. C’est une activité très divertissante, et qui permet, à condition d’être ouvert d’esprit, d’apprendre des chiffres, des faits, et de prendre du recul pour voir plus en globalité les choses qui nous entourent. Nous avons couvert un large champ de sujets, mais une chose que nous avons remarquée depuis le milieu de la deuxième semaine de la mission, c’est que nos réactions ont changé au cours des débats. Les membres de l’équipage ont tendance à s’engager de plus en plus émotionnellement dans les débats, à réagir plus vigoureusement à l’opposition et ont plus de difficultés à dépasser les divergences d’opinion ou d’idéologie. Nous sommes tous conscients des effets du confinement et de l’isolement sur nos interactions sociales, nous réagissons différemment à des situations auxquelles nous sommes habitués, et nous le remarquons, mais cela reste compliqué de contrôler nos réactions. Mais nous nous sommes préparé pour cela, nous avons géré de nombreuses situations avant la mission qui nous ont fortement lié en tant qu’équipage, des liens créés avec et pour cette mission, mais avant tout des liens d’amitié dans la vie de tous les jours. De plus nous avons aussi tendance à tourner les choses qui nous arrivent en dérision, ce qui aide énormément à s’en détacher quand nous en avons besoin.

Par ailleurs, aujourd’hui fut un jour de réussites : Nous avons réalisé la deuxième session complète de Teleop (et première dans sa configuration initiale), Norbert a réalisé les premières observations pour son expérience sur les plantes et les radiations, Gaspard a réussi à corriger l’application de suivi d’EVA sur laquelle il travaille, Benjamin a cuisiné deux gâteaux délicieux, nous avons réalisé la première sortie longue avec notre combinaison et les comptages de Cerise sur Aquapad furent intéressants. Malheureusement un évènement désastreux a brisé cette série : Gaspard a essayé de préparer un pain au maïs, et il est définitivement meilleur ingénieur que boulanger.

Auteur : Benjamin Auzou, Journalist ft. Jérémy Auclair, Commandant

Sol 12 : Le Hab, notre abri

08 Mars 2019

Sol 12 : Le Hab, notre abri

Après l’incident de la station météo, nous avons donné un nouveau rôle au LOAC : l’étude de l’air intérieur du Hab. Le but est de classifier les particules à l’intérieur de la station, et de comparer ces données à celles réalisées à l’extérieur. Pour sa première heure de collecte de données dans le Hab, nous avons soumis le LOAC à une forte densité de particules, en effet nous avons nettoyé la station, et soulevé énormément de poussière ! Nous avons également profité de cette journée dans le Hab pour préciser notre suivi de consommation d’eau en évaluant le volume moyen de nos chasses d’eau. L’objectif étant de diminuer le lus possible le volume d’eau non mesuré au quotidien.

Pendant la préparation de notre mission, nous avons réalisé un Escape Game, pour la cohésion mais aussi pour travailler sur la communication et la répartition des tâches; et cela a été un franc succès. En effet, l’équipage possède des capacités essentielles pour s’échapper d’une telle salle. Malheureusement le Hab n’est pas une Escape Room et nous sommes ici pour 21 jours et non une heure. Le confinement est certainement l’un des aspects les plus intéressants de notre mission. Il a des impacts plus ou moins visibles sur chacun de nous. Par exemple il peut nous arriver d’avoir des désirs que nous n’avons pas dans nos vies de tous les jours. Nous sommes amenés à avoir envie de partir en longue randonnée avec nos parents, nos amis, bien que ce ne soit pas habituel pour nous. Nous sommes tous habitués à vivre loin de nos proches avec l’éloignement que causent les études. Cependant il nous est toujours possible de prendre un billet de train, de passer un coup de téléphone pour les voir ou leur parler. Ici nous sommes confinés et isolés.

Le confinement change aussi notre perception du temps. Il est clair que les jours passent relativement vite car nous nous installons dans une routine quotidienne : lever, sport, petit-déjeuner, EVA, repas, expériences, diner. Mais nous avons tous en parallèle l’impression d’être ici dans la station depuis longtemps, et non pas à peine deux semaines. Si bien que regarder les photos du road trip que nous avons effectué dans les quelques jours précédant la mission nous paraît presque comme regarder de vielles photos de vacances. Nous ressentons notamment beaucoup plus les moments d’ennui que dans nos « vies normales », notamment à cause de ce confinement qui nous empêche d’échapper à l’ennui, loin des réseaux sociaux ou autres activités chronophages mais surtout tueuses d’ennui.

A notre arrivée dans la station, notre motivation et notre volonté étaient extrêmement fortes et même si nous profitons et aimons cette mission, la routine qui s’installe tend à consumer peu à peu notre motivation à réaliser de nouvelles expérimentations, de nouvelles mesures. Les sorties hors du Hab sont également des moments spéciaux, même s’il nous est impossible à travers les combinaisons de respirer directement un air frais et de ressentir le vent, cela n’en reste pas moins satisfaisant de pouvoir s’émanciper des huit mètres de diamètre du Hab. Au travers des paysages magnifiques, les EVA sont une source d’énergie pour chacun de nous. Ces derniers jours avec les forts vents autour de la MDRS, nous ne sortons pas de la station. En effet des astronautes martien ne pourront pas se permettre une sortie si le moindre risque pour eux existe. Certains d’entre nous peuvent tout de même profiter d’un espace supplémentaire grâce à leur rôle. Norbert peut se ressourcer dans le GreenHab, Gaspard peut travailler dans le RAM et je (Aurélien) peux observer le Soleil dans le Musk Observatory. Certains d’entre nous ont également amené avec eux de quoi passer du temps et se libérer : livres, jeux mobiles, tricot, Rubik’s cube. Nous passons l’essentiel de nos journées tous ensemble, du lever à 7h au coucher vers 22h et je veux en profiter pour rappeler le titre du rapport d’hier, il est bon d’être un « équipage imperturbable ».

Au moment précis où nous écrivons ce rapport, le vent et la pluie nous menacent, et nous sommes ici dans le Hab, confinés mais surtout protégés.

Auteurs : Aurélien Mure, Astronome et Commandant en second et Benjamin Auzou, Journaliste