Sol 3 : C’est l’histoire d’un boulon et d’un maillet…
Sol 3 : C’est l’histoire d’un boulon et d’un maillet…
« Il avait choisi, la veille au soir, d’être un aventurier semblable aux personnages des livres qu’il avait l’habitude de lire. » - L’Alchimiste, Paulo Coelho
Au matin du Sol 3, l’atmosphère de la station déborde de concentration. Nous savons tous qu’aujourd’hui, un travail de longue haleine nous attend : nous allons sortir dans l’atmosphère martienne en EVA pour installer les instruments atmosphériques. Cette expérience apporte des données aux chercheurs sur l’atmosphère, la concentration et la taille de particules dans l’air, et le champ électrique. Les appareils sont assez difficiles à monter, et assez fragiles. L’enjeu de cette EVA est grand. Nous commençons par nous réunir à l’étage du Hab, dans notre lieu de vie. Tous les sept autour de la table, nous avons les yeux rivés sur Léa, l’EVA leader. Elle a rédigé hier soir durant notre fenêtre de communication une EVA Request, qui a été validée par Mission Support. Elle nous explique comment va se dérouler la sortie étapes par étapes. Léo et moi, qui participons à l’EVA, écoutons attentivement toutes les tâches que nous devrons accomplir. Mathurin sera notre HabCom : il restera dans la station et nous serons en communication avec lui pour rendre compte de nos actions et vérifier que nous n’oublions aucune étape du montage. Lise, Yves et Marie sont aussi présents, leur aide pourra être utile en cas de problème et nous avons donc besoin que tout l’équipage soit briefé sur le déroulement de l’EVA.
Une fois les explications données et comprises, nous descendons les marches du Hab, pour nous rendre au Lower Deck. L’EVA débute dans 30 minutes, et il faut équiper les trois astronautes analogues. Nous allons utiliser les Suits numéros 2,5 et 6. Ils sont donc vérifiés, pour contrôler qu’il n’y a aucune anomalie. Ce matin, après la séance de sport, nous nous sommes habillés chaudement et confortablement. Par-dessus, nous enfilons nos combinaisons noires, nous protégeant de l’atmosphère martienne hostile. Nous avons chacun un membre d’équipage dédié qui nous aide à nous équiper. Les étapes sont nombreuses et il ne faut en négliger aucune si on veut être complètement protégés et ne rien risquer en dehors de notre station protectrice. Marie m’aide à enfiler un harnais, chargé de maintenir ma radio pour communiquer et un appareil de suivi de position. Je regarde sur ma droite et je vois que Yves a déjà équipé Léa de son kit de communication complet. Ce kit, dont chaque membre d’équipage en possède un dédié, contient tout le matériel nécessaire à la communication en EVA. Il contient la radio, un casque avec un micro, un bandeau qui nous permet de maintenir le micro bien fixé et immobiles sur nos têtes. Si notre radio tombait en EVA, nous nous retrouverions contraints d’arrêter l’EVA en urgence, impossible de se permettre qu’un membre d’équipage ne puisse plus communiquer, perdu seul sur Mars... Le kit contient aussi un chiffon, qui nous permet de nettoyer les vitres de nos casques à l’aide d’un produit spécifique. Un peu plus loin, Lise vient justement de finir d’équiper Léo avec le Suit 5, bien fixé à son dos, et est en train de lui passer le casque sur la tête après l’avoir nettoyé. Après l’avoir ajusté, elle vient rabattre trois loquets. Nous sommes tous équipés de la même façon, et des paires de gants viennent parfaire notre équipement et le fermer hermétiquement pour les trois prochaines heures. Mathurin et les trois astronautes testent les communications. Mathurin informe Mission Support du début de la sortie : l’EVA commence officiellement.
Bien que nous soyons conscients de l’importance de la mission et concentrés pour la réussir de la meilleure façon possible, l’ambiance reste joviale. Avec le kit d’aide aux premiers soins, de l’eau, et tout le matériel nécessaire, nous nous dirigeons tous les trois vers le airlock. Nous sommes heureux de réaliser cette mission ensemble, et cette installation que nous avons tant préparé et anticipé. Nous communiquons avec notre HabCom en anglais par la radio. Après cinq minutes de décompression, nous pouvons sortir et fouler le sol martien. Nous prenons deux rovers, chargés des instruments atmosphériques, et nous roulons doucement vers le site d’installation choisi.
Arrivés sur le lieu, et le matériel déchargé, nous commençons l’installation. Il y a deux instruments, et beaucoup d’étapes pour chacun. Leo et Léa vissent les pieds ensemble, je maintiens le mât. Nous mettons trente minutes à fixer la première vis. Aves des gants et des combinaisons, tout est plus difficile et lent, le boulon n’a fait que tomber et retomber. Pour les vis suivantes, nous avons pris la main et nous allons plus vite. Le premier instrument, Mega Ares, est monté. Nous tentons d’enfoncer des sardines avec des maillets pour le fixer au sol et le faire résister aux bourrasques martiennes. Difficulté : le sol martien est bien plus dur que ce que nous avions imaginé et nous perdons du temps… La persévérance de Léa a même fini par casser un maillet ! Tout au long de nos activités, Léa tient le HabCom informé par communication radio. Enfin, une fois que nous avons réussi à fixer les pieds, et nous nous dirigeons vers le deuxième instrument, le LOAC. Cette fois ci, juste à planter des sardines. Cela ne fonctionne vraiment pas… Nous choisissons de bloquer les pieds avec des pierres trouvées aux alentours. Le système semble solide, nous allumons le tout et effectuons les tests sur les deux instruments. Tout le système fonctionne de façon nominale. Nous prenons une photo, que nous enverrons aux chercheurs lors de notre prochaine fenêtre de communication. Nous sommes très heureux, la pression redescend. Nous n’avons eu que peu de problèmes, et ceux rencontrés ont pu être solutionnés grâce à un excellent travail d’équipe. Nous remontons dans nos rovers, et direction la station.
Chemin inverse par le air lock, cinq minutes de recompression durant lesquelles je souris derrière mon scaphandre, soulagée et fière du bon déroulé de cette EVA. Nous retrouvons le reste de l’équipage, qui nous attend impatiemment de l’autre côté de la porte. Ils ont un sourire à faire pâlir le soleil, et ils nous accueillent avec un peu de nourriture et d’eau, très appréciée par les trois astronautes qui viennent de rentrer. Ils nous aident à nous déséquiper, nous mangeons et soufflons enfin. Cette EVA a été longue et éprouvante, avec des actions à réaliser techniques et précises. Nous avons été poussés loin physiquement. Nous sommes épuisés mais nous rions tous en parlant des mésaventures que nous avons eues, la pression de la concentration est redescendue. Nous débriefons tous les sept en mangeant une ratatouille concoctée pour le repas de midi. Fiers, heureux, soulagés : la journée peut continuer sur des activités plus tranquilles, comme l’installation avec succès de la plateforme AMI, que vous découvrirez plus en détails demain !